<30> s'embarrassent pas de si peu de chose. Ils s'obstinèrent à trouver des semences d'hérésie dans un ouvrage qui traitait de physique : l'auteur essuya une persécution affreuse, et les prêtres soutinrent qu'un médecin accusé d'hérésie ne pouvait pas guérir les gardes françaises.
A la haine des dévots se joignit celle de ses rivaux de gloire; celle-ci se ralluma sur un ouvrage de M. La Mettrie intitulé, La politique des médecins. Un homme plein d'artifice et dévoré d'ambition aspirait à la place vacante de premier médecin du roi de France; il crut, pour y parvenir, qu'il lui suffisait d'accabler de ridicule ceux de ses confrères qui pouvaient prétendre à cette charge. Il fit un libelle contre eux; et abusant de la facile amitié de M. La Mettrie, il le séduisit à lui prêter la volubilité de sa plume et la fécondité de son imagination : il n'en fallut pas davantage pour achever de perdre un homme peu connu, contre lequel étaient toutes les apparences, et qui n'avait de protection que son mérite.
M. La Mettrie, pour avoir été trop sincère comme philosophe, et trop officieux comme ami, fut obligé de renoncer à sa patrie. Le duc de Duras et le vicomte Du Chayla lui conseillèrent de se soustraire à la haine des prêtres et à la vengeance des médecins. Il quitta donc, en 1746, les hôpitaux de l'armée, où M. de Séchelles l'avait placé, et vint philosopher tranquillement à Leyde. Il y composa sa Pénélope, ouvrage polémique contre les médecins, où, à l'exemple de Démocrite, il plaisantait sur la vanité de sa profession. Ce qu'il y eut de singulier, c'est que les médecins, dont la charlatanerie y est dépeinte au vrai, ne purent s'empêcher d'en rire eux-mêmes en le lisant; ce qui marque bien qu'il se trouvait dans l'ouvrage plus de gaieté que de malice.
M. La Mettrie, ayant perdu de vue ses hôpitaux et ses malades, s'adonna entièrement à la philosophie spéculative : il fit son Homme machine, ou plutôt il jeta sur le papier quelques pensées fortes sur le