<70> morales ou des critiques de quelques systèmes modernes, où l'utile est inséparablement uni à l'agréable.
Tant de talents, tant de connaissances diverses réunies en une seule personne, jettent les lecteurs dans un étonneraient mêlé de surprise. Récapitulez, messieurs, la vie des grands hommes de l'antiquité dont les noms nous sont parvenus, vous trouverez que chacun d'eux se bornait à son seul talent. Aristote et Platon étaient philosophes, Eschine et Démosthène, orateurs; Homère, poëte épique; Sophocle, poëte tragique; Anacréon, poëte agréable; Thucydide et Xénophon, historiens; de même que, chez les Romains, Virgile, Horace, Ovide, Lucrèce n'étaient que poëtes; Tite-Live et Varron, historiens; Crassus, le vieil Antoine et Hortensius s'en tenaient à leurs harangues. Cicéron, ce consul orateur, défenseur et père de la patrie, est le seul qui ait réuni des talents et des connaissances diverses : il joignait au grand art de la parole, qui le rendait supérieur à tous ses contemporains, une étude approfondie de la philosophie, telle qu'elle était connue de son temps; c'est ce qui paraît par ses Tusculanes, par son admirable traité de la Nature des dieux, par celui des Offices, qui est peut-être le meilleur ouvrage de morale que nous ayons. Cicéron fut même poëte : il traduisit en latin les vers d'Aratus, et l'on croit que ses corrections perfectionnèrent le poëme de Lucrèce.
Il nous a donc fallu parcourir l'espace de dix-sept siècles pour trouver, dans la multitude des hommes qui composent le genre humain, le seul Cicéron dont nous puissions comparer les connaissances avec celles de notre illustre auteur. L'on peut dire, s'il m'est permis de m'exprimer ainsi, que M. de Voltaire valait seul toute une académie. Il y a de lui des morceaux où l'on croit reconnaître Bayle armé de tous les arguments de sa dialectique; d'autres, où l'on croit lire Thucydide; ici, c'est un physicien qui découvre les secrets de la nature; là, c'est un métaphysicien qui, s'appuyant sur l'analogie et l'expérience, suit à pas mesurés les traces de Locke. Dans d'autres ouvrages,