<86> monde, c'est que ce qu'on trouve de plus achevé parmi les exploits de Charles XII, ce furent ses premières campagnes. Peut-être que la fortune le gâta à force de le favoriser; peut-être qu'il crut que l'art était inutile à un homme auquel rien ne résistait; ou peut-être encore que sa valeur, quoique admirable, l'induisit souvent à n'être que téméraire.
Charles avait jusqu'ici tourné ses armes contre l'ennemi auquel il lui convenait d'opposer ses forces. Depuis la bataille de la Diana, on perd de vue le fil qui le conduisit : ce ne sont qu'une foule d'entreprises sans liaison et sans dessein, parsemées à la vérité d'actions brillantes, mais qui ne tendent pas au but principal que le Roi devait se proposer dans cette guerre.
Le Czar était sans contredit l'ennemi le plus puissant et le plus dangereux qu'eût la Suède; il semble que c'était à lui que notre héros devait s'adresser d'abord après la défaite des Saxons. Les débris de Narwa étaient encore errants; Pierre Ier avait ramassé à la hâte trente ou quarante mille Moscovites qui ne valaient pas mieux que ces quatre-vingt mille barbares auxquels les Suédois avaient fait mettre bas les armes. C'était donc le Czar qu'il fallait presser alors avec vigueur, le pousser hors de l'Ingrie, ne lui point laisser le temps de respirer, et profiter de l'occasion pour lui imposer les lois de la paix.
Auguste, nouvellement élu contre le consentement de la plus saine partie de la République, contredit, et mal affermi sur le trône, s'il avait été privé des secours de la Russie, tombait de lui-même, si toutefois la Suède avait un intérêt aussi essentiel à son détrônement. Au lieu de prendre d'aussi justes mesures, le Roi parut oublier entièrement le Czar et les Moscovites, qui agonisaient, pour courir après je ne sais quel seigneur polonais,a engagé dans une faction contraire. Ces petites vengeances lui firent négliger de grands intérêts. Il subjugua bientôt la Lithuanie; de là, comme un torrent orageux qui se
a Le comte Oginski.