<92> être la cause. Le Czar attaqua Lewenhaupt à trois reprises, et intercepta le convoi dont il avait la conduite. Il fallait donc que le roi de Suède n'eût aucune nouvelle des desseins ni des mouvements des Russes. Si ce fut par négligence, il eut de grands reproches à se faire; si des obstacles invincibles l'empêchèrent de se procurer des informations, il faut mettre ces obstacles sur le compte des fatalités inévitables.
Lorsque la guerre se porte dans des pays moitié barbares et déserts, pour s'y maintenir il faut y faire des établissements. Ce sont de nouvelles créations, les troupes sont obligées de bâtir, de fortifier, de construire des chemins, d'établir des ponts et des digues, et d'élever des redoutes aux endroits où elles sont nécessaires. Ces ouvrages, qui demandent du temps et de la patience, cette méthode lente, ne s'accordaient point avec le caractère impétueux et l'esprit impatient du Roi. On remarque qu'il est admirable dans toutes les occasions où la valeur et la promptitude conviennent, et qu'il n'est plus le même dans les conjonctures qui demandent des mesures compassées et des desseins que le temps et la patience doivent laisser mûrir. Tant il est vrai qu'il faut que le guerrier subjugue ses passions, et tant il est difficile de réunir tous les talents d'un grand capitaine.
Je ne fais mention ni du combat d'Holowczyn, ni de tant d'autres actions qui se passèrent durant ces campagnes, parce qu'elles furent aussi inutiles pour le succès de la guerre que funestes pour ceux qui en devinrent les victimes. Notre héros aurait pu se montrer dans plusieurs occasions meilleur économe du sang humain. Ce n'est pas qu'il n'y ait des situations où il ne faille combattre. On doit s'engager lorsque l'on a moins à risquer qu'à gagner; lorsque l'ennemi se néglige, soit dans ses campements, soit dans ses marches; ou lorsque, par un coup décisif, on peut le forcer d'accepter la paix. On re-