<98>solation de voir arriver le frère Charles qu'il attendait avec tant d'impatience. Le Roi n'eût pu rien faire de plus sage, même en pleine santé, vu l'état désespéré de ses affaires, que de chercher un asile chez les Turcs. Les souverains doivent sans doute mépriser les dangers; mais leur caractère les oblige en même temps d'éviter soigneusement d'être faits prisonniers, non pour leur personnel, mais pour les conséquences funestes qui en résulteraient pour leurs États. Les auteurs français doivent se souvenir du préjudice que porta à leur nation la prison de François Ier; la France en ressent encore les effets; et l'abus de rendre les charges vénales, que la nécessité de trouver des fonds pour payer la rançon du Roi introduisit alors, est un monument qui la fait ressouvenir sans cesse de cette flétrissante époque.
Notre héros fugitif, dans une situation qui aurait accablé tout autre que lui, parut encore admirable d'imaginer des ressources dans son malheur. Pendant sa marche, il réfléchissait aux moyens d'armer la Porte contre la Russie; il tirait du sein même de son infortune des expédients pour la réparer. Je m'afflige de voir ce héros, en Turquie, s'avilir à faire le courtisan du Grand Seigneur, et mendier ces mille bourses. Quel caprice ou quelle obstination inconcevable de s'opiniâtrer à demeurer sur les terres d'un souverain qui ne voulait plus l'y souffrir! Je voudrais qu'on pût effacer de son histoire ce combat romanesque de Bender. Que de temps perdu dans le fond de la Bessarabie à se repaître d'espérances chimériques, tandis que les cris de la Suède et les sentiments de son devoir l'appelaient à la défense de ses États, abandonnés en quelque manière par son absence, et que, depuis quelque temps, ses ennemis infestaient de tous les côtés! Les projets qu'on lui attribue depuis son retour en Poméranie, et que quelques personnes mettent sur le compte de Görtz, m'ont paru si vastes, si extraordinaires, si peu assortissants à la situation et à l'épui-