<99>sement de son royaume, qu'on me permettra, pour l'amour de sa gloire, de les passer sous silence.
Cette guerre si féconde en succès comme en revers fut commencée par les ennemis de la Suède, et Charles, forcé à réprimer leurs attentats, se trouva dans le cas d'une défense légitime : ses voisins, qui ne le connaissaient pas, l'attaquèrent, parce qu'ils méprisèrent sa jeunesse. Dès qu'il parut heureux et redoutable, l'Europe l'envia, et dès que la fortune l'abandonna, les puissances liguées l'écrasèrent pour le dépouiller. Si notre héros avait eu autant de modération que de courage, s'il avait su poser lui-même des bornes à ses triomphes, s'accommoder avec le Czar lorsque les occasions de faire la paix se présentèrent à lui, il aurait étouffé la mauvaise volonté de ses envieux, qui, dès qu'il cessa de leur paraître un objet de terreur, voulurent s'agrandir des débris de sa monarchie. Mais les passions de ce prince n'étaient pas susceptibles de modifications : il voulait tout emporter de hauteur, et établir sur les souverains un empire despotique; il croyait que de faire la guerre aux rois ou de les détrôner, c'était la même chose.
Je trouve dans tous les livres qui parlent de Charles XII des éloges magnifiques de sa frugalité et de sa continence. Cependant vingt cuisiniers français, mille concubines à sa suite, et dix troupes de comédiens dans son armée, n'auraient jamais porté la centième partie du préjudice à son royaume, que lui causèrent l'ardente soif de la vengeance et le désir immodéré de la gloire qui dominaient ce prince. Les offenses faisaient sur son esprit des impressions si vives et si fortes, que les derniers outrages effaçaient jusqu'aux traces que les premiers y avaient imprimées. On voit, pour ainsi dire, éclore les différentes passions qui agitaient avec tant de violence cette âme implacable, en suivant ce prince à la tête de ses armées : d'abord il presse vivement le roi de Danemark; ensuite c'est le roi de Pologne qu'il poursuit à