DE LA LITTÉRATURE ALLEMANDE, DES DÉFAUTS QU'ON PEUT LUI REPROCHER, QUELLES EN SONT LES CAUSES, ET PAR QUELS MOYENS ON PEUT LES CORRIGER.[Titelblatt]
<104><105>DE LA LITTÉRATURE ALLEMANDE. DES DÉFAUTS QU'ON PEUT LUI REPROCHER. QUELLES EN SONT LES CAUSES, ET PAR QUELS MOYENS ON PEUT LES CORRIGER.
Vous vous étonnez, monsieur, que je ne joigne pas ma voix à la vôtre pour applaudir aux progrès que fait, selon vous, journellement la littérature allemande. J'aime notre commune patrie autant que vous l'aimez, et par cette raison je me garde bien de la louer avant qu'elle ait mérité ces louanges : ce serait comme si on voulait proclamer vainqueur un homme qui est au milieu de sa course. J'attends qu'il ait gagné le but, et alors mes applaudissements seront aussi sincères que vrais.
Vous savez que dans la république des lettres les opinions sont libres. Vous envisagez les objets d'un point de vue, moi d'un autre; souffrez donc que je m'explique, et que je vous expose ma façon de penser ainsi que mes idées sur la littérature ancienne et moderne, tant par rapport aux langues, aux connaissances, qu'au goût.
Je commence par la Grèce, qui était le berceau des beaux-arts. Cette nation parlait la langue la plus harmonieuse qui eût jamais existé. Ses premiers théologiens, ses premiers historiens étaient poëtes; ce furent eux qui donnèrent des tours heureux à leur langue, qui<106> créèrent quantité d'expressions pittoresques, et qui apprirent à leurs successeurs à s'exprimer avec grâce, politesse et décence.
Je passe d'Athènes à Rome; j'y trouve une république qui lutte longtemps contre ses voisins, qui combat pour la gloire et pour l'empire. Tout était, dans ce gouvernement, nerf et force, et ce ne fut qu'après qu'elle l'eut emporté sur Carthage sa rivale, qu'elle prit du goût pour les sciences. Le grand Africain, l'ami de Lélius et de Polybe, fut le premier Romain qui protégea les lettres. Ensuite vinrent les Gracques; après eux, Antoine et Crassus, deux orateurs célèbres de leur temps. Enfin la langue, le style et l'éloquence romaine ne parvinrent à leur perfection que du temps de Cicéron, d'Hortensius, et des beaux génies qui honorèrent le siècle d'Auguste.
Ce court recensement me peint la marche des choses. Je suis convaincu qu'un auteur ne saurait bien écrire, si la langue qu'il parle n'est ni formée ni polie; et je vois qu'en tout pays on commence par le nécessaire, pour y joindre ensuite ce qui nous procure des agréments. La république romaine se forme; elle se bat pour acquérir des terres, elle les cultive; et dès qu'après les guerres puniques elle a pris une forme stable, le goût des arts s'introduit, l'éloquence et la langue latine se perfectionnent. Mais je ne néglige pas d'observer que, depuis le premier Africain jusqu'au consulat de Cicéron, il se trouve une période de cent soixante années.
Je conclus de là qu'en toute chose les progrès sont lents, et qu'il faut que le noyau qu'on plante en terre, prenne racine, s'élève, étende ses branches, et se fortifie, avant de produire des fleurs et des fruits. J'examine ensuite l'Allemagne selon ces règles, pour apprécier avec justice la situation où nous sommes; je purge mon esprit de tout préjugé; c'est la vérité seule qui doit m'éclairer. Je trouve une langue à demi barbare, qui se divise en autant de dialectes différents que l'Allemagne contient de provinces. Chaque cercle se persuade que son patois est le meilleur. Il n'existe point encore de recueil<107> muni de la sanction nationale où l'on trouve un choix de mots et de phrases qui constitue la pureté du langage. Ce qu'on écrit en Souabe n'est pas intelligible à Hambourg, et le style d'Autriche paraît obscur en Saxe. Il est donc physiquement impossible qu'un auteur, doué du plus beau génie, puisse supérieurement bien manier cette langue brute. Si l'on exige qu'un Phidias fasse une Vénus de Gnide, qu'on lui donne un bloc de marbre sans défaut, des ciseaux fins et de bons poinçons; alors il pourra réussir : point d'instrument, point d'artiste. On m'objectera peut-être que les républiques grecques avaient jadis des idiomes aussi différents que les nôtres; on ajoutera que de nos jours même on distingue la patrie des Italiens par le style et la prononciation, qui varient de contrée en contrée. Je ne révoque pas ces vérités en doute; mais que cela ne nous empêche pas de suivre la continuation des faits dans l'ancienne Grèce, ainsi que dans l'Italie moderne. Les poëtes, les orateurs, les historiens célèbres fixèrent leur langue par leurs écrits. Le public, par une convention tacite, adopta les tours, les phrases, les métaphores que les grands artistes avaient employés dans leurs ouvrages; ces expressions devinrent communes, elles rendirent ces langues élégantes, elles les enrichirent, en les ennoblissant.
Jetons à présent un coup d'œil sur notre patrie. J'entends parler un jargon dépourvu d'agrément, que chacun manie selon son caprice, des termes employés sans choix, les mots propres et les plus expressifs négligés, et le sens des choses noyé dans des mers épisodiques. Je fais des recherches pour déterrer nos Homères, nos Virgiles, nos Anacréons, nos Horaces, nos Démosthènes, nos Cicérons, nos Thucydides, nos Tites-Lives; je ne trouve rien, mes peines sont perdues. Soyons donc sincères, et confessons de bonne foi que jusqu'ici les belles-lettres n'ont pas prospéré dans notre sol. L'Allemagne a eu des philosophes qui soutiennent la comparaison avec les anciens, qui même les ont surpassés dans plus d'un genre; je me réserve d'en<108> faire mention dans la suite. Quant aux belles-lettres, convenons de notre indigence. Tout ce que je puis vous accorder sans me rendre le vil flatteur de mes compatriotes, c'est que nous avons eu, dans le petit genre des fables, un Gellert, qui a su se placer à côté de Phèdre et d'Ésope; les poésies de Canitz sont supportables, non de la part de la diction, mais plus en ce qu'il imite faiblement Horace.108-a Je n'omettrai pas les idylles de Gessner, qui trouvent quelques partisans; toutefois permettez-moi de leur préférer les ouvrages de Catulle, de Tibulle et de Properce. Si je repasse les historiens, je ne trouve que l'histoire d'Allemagne du professeur Mascou que je puisse citer comme la moins défectueuse. Voulez-vous que je vous parle de bonne foi du mérite de nos orateurs? Je ne puis vous produire que le célèbre Quandt,108-b de Königsberg, qui possédait le rare et l'unique talent de rendre sa langue harmonieuse; et je dois ajouter, à notre honte, que son mérite n'a été ni reconnu ni célébré. Comment peut-on prétendre que les hommes fassent des efforts pour se perfectionner dans leur genre, si la réputation n'est pas leur récompense? J'ajouterai à ces messieurs que je viens de nommer, un anonyme dont j'ai vu les vers non rimés;108-c leur cadence et leur harmonie résultait d'un mélange de dactyles et de spondées; ils étaient remplis de sens, et mon oreille a été flattée agréablement par des sons sonores dont je n'aurais pas cru notre langue susceptible. J'ose présumer que ce genre de versification est<109> peut-être celui qui est le plus convenable à notre idiome, et qu'il est, de plus, préférable à la rime; il est vraisemblable qu'on ferait des progrès, si on se donnait la peine de le perfectionner.109-a
Je ne vous parle pas du théâtre allemand. Melpomène n'a été courtisée que par des amants bourrus, les uns guindés sur des échasses, les autres rampants dans la boue, et qui tous, rebelles à ses lois, ne sachant ni intéresser ni toucher, ont été rejetés de ses autels. Les amants de Thalie ont été plus fortunés : ils nous ont fourni du moins une vraie comédie originale; c'est le Postzug109-b dont je parle. Ce sont nos mœurs, ce sont nos ridicules que le poëte expose sur le théâtre; la pièce est bien faite. Si Molière avait travaillé sur le même sujet, il n'aurait pas mieux réussi. Je suis fâché de ne pouvoir pas vous étaler un catalogue plus ample de nos bonnes productions; je n'en accuse pas la nation : elle ne manque ni d'esprit ni de génie; mais elle a été retardée par des causes qui l'ont empêchée de s'élever en même temps que ses voisins. Remontons, s'il vous plaît, à la renaissance des lettres, et comparons la situation où se trouvèrent l'Italie, la France et l'Allemagne lors de cette révolution qui se fit dans l'esprit humain.
Vous savez que l'Italie en redevint le berceau; que la maison d'Este, les Médicis et le pape Léon X contribuèrent à leurs progrès en les protégeant. Tandis que l'Italie se polissait, l'Allemagne, agitée par des théologiens, se partageait en deux factions, dont chacune se signalait par sa haine pour l'autre, son enthousiasme et son fanatisme. Dans ce même temps, François Ier entreprit de partager avec l'Italie la gloire d'avoir contribué à restaurer les lettres : il se consuma en vains efforts pour les transplanter dans sa patrie; ses peines furent infructueuses. La monarchie, épuisée par la rançon de son roi, qu'elle payait à l'Espagne, était dans un état de langueur. Les guerres de la Ligue, qui survinrent après la mort de François Ier, empêchaient les citoyens<110> de s'appliquer aux beaux-arts. Ce ne fut que vers la fin du règne de Louis XIII, après que les plaies des guerres civiles furent guéries, sous le ministère du cardinal de Richelieu, dans des temps qui favorisaient cette entreprise, qu'on reprit le projet de François Ier. La cour encouragea les savants et les beaux esprits, tout se piqua d'émulation et bientôt après, sous le règne de Louis XIV, Paris ne le céda ni à Florence ni à Rome. Que se passait-il alors en Allemagne? Précisément lorsque Richelieu se couvrait de gloire en polissant sa nation, c'était le fort de la guerre de trente ans. L'Allemagne était ravagée et pillée par vingt armées différentes, qui, tantôt victorieuses, tantôt battues, amenaient la désolation à leur suite. Les campagnes étaient dévastées, les champs, sans culture, les villes, presque désertes. L'Allemagne n'eut guère le temps de respirer après la paix de Westphalie : tantôt elle s'opposait aux forces de l'empire ottoman, très-redoutable alors; tantôt elle résistait aux armées françaises qui empiétaient sur la Germanie pour étendre l'empire des Gaules. Croit-on, lorsque les Turcs assiégeaient Vienne, ou lorsque Mélac saccageait le Palatinat, que les flammes consumaient les habitations et les villes, que l'asile de la mort même était violé par la licence effrénée des soldats, qui tiraient de leur tombeau les cadavres des électeurs pour s'en approprier les misérables dépouilles; croit-on que dans des moments où des mères désolées se sauvaient des ruines de leur patrie, en portant leurs enfants exténués d'inanition sur leurs bras, que l'on composait à Vienne, à Mannheim, des sonnetti, ou que l'on y faisait des épigrammes? Les Muses demandent des asiles tranquilles; elles fuient des lieux où règne le trouble et où tout est en subversion. Ce ne fut donc qu'après la guerre de succession que nous commençâmes à réparer ce que tant de calamités successives nous avaient fait perdre. Ce n'est donc ni à l'esprit ni au génie de la nation qu'il faut attribuer le peu de progrès que nous avons fait; mais nous ne devons nous en prendre qu'à une suite de conjonctures fâcheuses, à un enchaînement<111> de guerres qui nous ont ruinés et appauvris autant d'hommes que d'argent.
Ne perdez pas le fil des événements; suivez la marche de nos pères, et vous applaudirez à la sagesse qui a dirigé leur conduite : ils ont agi précisément comme il était convenable à la situation où ils se trouvaient. Ils ont commencé par s'appliquer à l'économie rurale, à remettre en valeur les terres qui, faute de bras, étaient demeurées sans culture; ils ont relevé les maisons détruites; ils ont encouragé la propagation. On s'est partout appliqué à défricher des terres abandonnées; une population plus nombreuse a donné naissance à l'industrie; le luxe même s'est introduit, ce fléau des petites provinces, et qui augmente la circulation dans les grands États. Enfin voyagez maintenant en Allemagne, traversez-la d'un bout à l'autre, vous trouverez partout sur votre chemin des bourgades changées en villes florissantes : là, c'est Munster, plus loin, c'est Cassel, ici, c'est Dresde et Géra. Allez dans la Franconie, vous trouverez Würzbourg, Nuremberg. Si vous approchez du Rhin, vous passerez par Fulde et Francfort-sur-le-Main, pour aller à Mannheim, de là à Mayence et à Bonn. Chacune de ces cités présente au voyageur surpris des édifices qu'il ne croyait pas trouver dans le fond de la forêt hercynienne. La mâle activité de nos compatriotes ne s'est donc pas bornée à réparer les pertes causées par nos calamités passées; elle a su aspirer plus haut, elle a su perfectionner ce que nos ancêtres n'avaient qu'ébauché. Depuis que ces changements avantageux se sont opérés, nous voyons l'aisance devenir plus générale; le tiers état ne languit plus dans un honteux avilissement; les pères fournissent à l'étude de leurs enfants sans s'obérer. Voilà les prémices établies de l'heureuse révolution que nous attendons; les entraves qui liaient le génie de nos aïeux, sont brisées et détruites; déjà l'on s'aperçoit que la semence d'une noble émulation germe dans les esprits. Nous avons honte qu'en certains genres nous ne puissions pas nous égaler à nos voisins; nous désirons<112> de regagner par des travaux infatigables le temps que nos désastres nous ont fait perdre; et, en général, le goût national est si décidé pour tout ce qui peut illustrer notre patrie, qu'il est presque évident avec de telles dispositions, que les Muses nous introduiront à notre tour dans le temple de la Gloire. Examinons donc ce qu'il reste à faire pour arracher de nos champs toutes les ronces de la barbarie qui s'y trouvent encore, et pour accélérer ces progrès si désirables auxquels nos compatriotes aspirent.
Je vous l'ai déjà dit, il faut commencer par perfectionner la langue : elle a besoin d'être limée et rabotée; elle a besoin d'être maniée par des mains habiles. La clarté est la première règle que doivent se prescrire ceux qui parlent et qui écrivent, parce qu'il s'agit de peindre sa pensée ou d'exprimer ses idées par des paroles. A quoi servent les pensées les plus justes, les plus fortes, les plus brillantes, si vous ne les rendez intelligibles? Beaucoup de nos auteurs se complaisent dans un style diffus; ils entassent parenthèse sur parenthèse, et souvent vous ne trouvez qu'au bout d'une page entière le verbe d'où dépend le sens de toute la phrase; rien n'obscurcit plus la construction; ils sont lâches, au lieu d'être abondants, et l'on devinerait plutôt l'énigme du sphinx que leur pensée. Une autre cause qui nuit autant aux progrès des lettres que les vices que je reproche à notre langue et au style de nos écrivains, c'est le défaut des bonnes études. Notre nation a été accusée de pédanterie, parce que nous avons eu une foule de commentateurs vétilleurs et pesants. Pour se laver de ce reproche, on commence à négliger l'étude des langues savantes; et afin de ne point passer pour pédant, on va devenir superficiel. Peu de nos savants peuvent lire sans difficulté les auteurs classiques tant grecs que latins. Si l'on veut se former l'oreille à l'harmonie des vers d'Homère, il faut pouvoir le lire coulamment sans le secours d'un dictionnaire. J'en dis autant au sujet de Démosthène, d'Aristote, de Thucydide et de Platon. Il en est de même pour se rendre familière la connaissance des auteurs<113> latins. La jeunesse, à présent, ne s'applique presque pas du tout au grec, et peu apprennent assez le latin pour traduire médiocrement les ouvrages des grands hommes qui ont honoré le siècle d'Auguste. Ce sont cependant là les sources abondantes où les Italiens, les Français et les Anglais, nos devanciers, ont puisé leurs connaissances; ils se sont formés autant qu'ils ont pu sur ces grands modèles; ils se sont approprié leur façon de penser; et en admirant les grandes beautés dont les ouvrages des anciens fourmillent, ils n'ont pas négligé d'en apprécier les défauts. Il faut estimer avec discernement, et ne jamais s'abandonner à une adulation aveugle. Ces heureux jours dont les Italiens, les Français et les Anglais ont joui avant nous, commencent maintenant à décliner sensiblement. Le public est rassasié des chefs-d'œuvre qui ont paru; les connaissances, étant plus répandues, sont moins estimées; enfin, ces nations se croient en possession de la gloire que leurs auteurs leur ont acquise, et elles s'endorment sur leurs lauriers. Mais je ne sais comment cette digression m'a égaré de mon sujet. Retournons à nos foyers, et continuons encore à examiner ce qui s'y trouve de défectueux à l'égard de nos études.
Je crois remarquer que le petit nombre de bons et d'habiles instituteurs qui se trouvent, ne répond pas aux besoins des écoles; nous en avons beaucoup, et toutes veulent être pourvues. Si les maîtres sont pédants, leur esprit vétilleur s'appesantit sur des bagatelles, et néglige les choses principales. Longs, diffus, ennuyeux, vides de choses dans leurs instructions, ils excèdent leurs écoliers, et leur inspirent du dégoût pour les études. D'autres recteurs s'acquittent de leur emploi en mercenaires : que leurs écoliers profitent ou qu'ils ne s'instruisent pas, cela leur est indifférent, pourvu que leurs gages leur soient exactement payés. Et c'est encore pis si ces maîtres manquent eux-mêmes de connaissances. Qu'apprendront-ils aux autres, si eux-mêmes ne savent rien? A Dieu ne plaise qu'il n'y ait pas quelque exception à cette règle, et qu'on ne trouve pas en Allemagne quelques<114> recteurs habiles! Je ne m'y oppose en rien; je me borne à désirer ardemment que leur nombre fût plus considérable. Que ne dirai-je pas de la méthode vicieuse que les maîtres emploient pour enseigner à leurs élèves la grammaire, la dialectique, la rhétorique, et d'autres connaissances! Comment formeront-ils le goût de leurs écoliers, s'ils ne savent pas eux-mêmes discerner le bon du médiocre, et le médiocre du mauvais; s'ils confondent le style diffus avec le style abondant, le trivial, le bas, avec le naïf, la prose négligée et défectueuse avec le style simple, le galimatias avec le sublime; s'ils ne corrigent pas avec exactitude les thèmes de leurs écoliers; s'ils ne relèvent pas leurs fautes sans les décourager; et s'ils ne leur inculquent pas soigneusement les règles qu'ils doivent toujours avoir devant les yeux en composant? J'en dis autant pour l'exactitude des métaphores; car je me ressouviens dans ma jeunesse d'avoir lu, dans une épître dédicatoire d'un professeur Heineccius à une reine, ces belles paroles : « Ihro Majestät glänzen wie ein Karfunkel am Finger der jetzigen Zeit.114-a Votre Majesté brille comme une escarboucle au doigt du temps présent. » Peut-on rien de plus mauvais! Pourquoi une escarboucle? Est-ce que le temps a un doigt? Quand on le représente, on le peint avec des ailes, parce qu'il s'envole sans cesse; avec une clepsydre, parce que les heures le divisent; et on arme son bras d'une faux, pour désigner qu'il fauche ou détruit tout ce qui existe. Quand des professeurs s'expriment dans un style aussi bas que ridicule, à quoi faut-il s'attendre de leurs écoliers?
Passons maintenant des basses classes aux universités; examinons-les impartialement de même. Le défaut qui me saute le plus aux yeux,<115> c'est qu'il n'y a point de méthode générale pour enseigner les sciences; chaque professeur s'en fait une. Je suis de l'opinion qu'il n'y a qu'une bonne méthode, et qu'il faut s'en tenir à celle-là. Mais quelle est la pratique de nos jours? Un professeur en droit, par exemple, a quelques jurisconsultes favoris, dont il explique les opinions; il s'en tient à leurs ouvrages, sans faire mention de ce que d'autres auteurs ont écrit sur le droit; il relève la dignité de son art, pour faire valoir ses connaissances; il croit passer pour un oracle, s'il est obscur dans ses leçons; il parle des lois de Memphis quand il est question des coutumes d'Osnabrück, ou il inculque les lois de Minos à un bachelier de Saint-Gall. Le philosophe a son système favori, auquel il se tient à peu près de même. Ses écoliers sortent de son collége la tête remplie de préjugés; ils n'ont parcouru qu'une petite partie des opinions humaines; ils n'en connaissent pas toutes les erreurs ni toutes les absurdités. Je suis encore indécis sur la médecine, si elle est un art ou si elle n'en est pas un; mais je suis persuadé certainement qu'aucun homme n'a la puissance de refaire un estomac, des poumons et des reins, quand ces parties essentielles à la vie humaine sont viciées; et je conseille très-fort à mes amis, s'ils sont malades, d'appeler à leur secours un médecin qui ait rempli plus d'un cimetière, plutôt qu'un jeune élève de Hoffmann ou de Boerhaave, qui n'a tué personne. Je n'ai rien à reprendre en ceux qui enseignent la géométrie. Cette science est la seule qui n'ait point produit de sectes; elle est fondée sur l'analyse, sur la synthèse et sur le calcul; elle ne s'occupe que de vérités palpables : aussi a-t-elle la même méthode en tout pays. Je me renferme également dans un respectueux silence à l'égard de la théologie. On dit que c'est une science divine, et qu'il n'est pas permis aux profanes de toucher à l'encensoir. Il me sera, je crois, permis d'agir avec moins de circonspection avec messieurs les professeurs en histoire, et de présenter quelque petit doute à leur examen. J'ose leur demander si l'étude de la chronologie est ce qu'il y a de plus utile dans l'histoire;<116> si c'est une faute irrémissible de se tromper sur l'année de la mort de Bélus, sur le jour où le cheval de Darius, se mettant à hennir, éleva son maître sur le trône de Perse, sur l'heure où la bulle d'or fut publiée, si ce fut à six heures du matin ou à quatre heures de l'après-midi. Pour moi, je me contente de savoir le contenu de la bulle d'or, et qu'elle a été promulguée l'année 1356. Ce n'est pas que je veuille excuser des historiens qui commettent des anachronismes; j'aurai cependant plutôt de l'indulgence pour les petites fautes de cette nature que pour des fautes considérables, comme celles de rapporter confusément les faits, de ne pas développer avec clarté les causes et les événements, de négliger toute méthode, de s'appesantir longuement sur les petits objets, et de passer légèrement sur ceux qui sont les plus essentiels. Je pense à peu près de même à l'égard de la généalogie, et je crois qu'on ne doit pas lapider un homme de lettres pour ne pas savoir débrouiller la généalogie de sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, ou d'Hildegarde, femme ou maîtresse de Charlemagne. On ne doit enseigner que ce qu'il est nécessaire de savoir; on doit négliger le reste.
Peut-être trouverez-vous ma censure trop sévère. Comme rien n'est parfait ici-bas, vous en conclurez que notre langue, nos colléges et nos universités ne le sont pas non plus. Vous ajouterez que la critique est aisée, mais que l'art est difficile; qu'il faut donc indiquer quelles sont, pour mieux faire, les règles qu'on doit suivre. Je suis tout disposé, monsieur, à vous satisfaire. Je crois que si d'autres nations ont pu se perfectionner, nous avons les mêmes moyens qu'eux, et qu'il ne s'agit que de les employer. Il y a longtemps que dans mes heures de loisir j'ai réfléchi sur ces matières, de sorte que je les ai assez présentes pour les coucher sur le papier et les soumettre à vos lumières; d'autant plus que je n'ai aucune prétention à l'infaillibilité.
Commençons par la langue allemande, laquelle j'accuse d'être diffuse, difficile à manier, peu sonore, et qui manque, de plus, de cette<117> abondance de termes métaphoriques si nécessaires pour fournir des tours nouveaux et pour donner des grâces aux langues polies. Afin de déterminer la route que nous devons prendre pour arriver à ce but, examinons le chemin que nos voisins ont pris pour y parvenir.
En Italie, du temps de Charlemagne, on parlait encore un jargon barbare : c'était un mélange de mots pris des Huns et des Lombards, entremêlés de phrases latines, mais qui auraient été inintelligibles aux oreilles de Cicéron ou de Virgile. Ce dialecte demeura tel qu'il était, durant les siècles de barbarie qui se succédèrent. Longtemps après parut le Dante; ses vers charmèrent ses lecteurs, et les Italiens commencèrent à croire que leur langue pourrait succéder à celle des vainqueurs de l'univers. Ensuite, peu avant et durant la renaissance des lettres, fleurirent Pétrarque, l'Arioste, Sannazar et le cardinal Bembo. C'est principalement le génie de ces hommes célèbres qui a fixé la langue italienne. L'on vit se former en même temps l'Académie de la Crusca, qui veille à la conservation comme à la pureté du style.
Je passe maintenant en France. Je trouve qu'à la cour de François Ier on parlait un jargon aussi discordant pour le moins que notre allemand l'est encore; et, n'en déplaise aux admirateurs de Marot, de Rabelais, de Montaigne, leurs écrits grossiers et dépourvus de grâces ne m'ont causé que de l'ennui et du dégoût. Après eux, vers la fin du règne de Henri IV, parut Malherbe. C'est le premier poëte que la France ait eu, ou, pour mieux dire, en qualité de versificateur il est moins défectueux que ses devanciers. Pour marque qu'il n'avait pas poussé son art à la perfection, je n'ai qu'à vous rappeler ces vers que vous connaissez d'une de ses odes :
Prends ta foudre, Louis, et va, comme un lion,
Donner le dernier coup à la dernière tête
De la rébellion.
A-t-on jamais vu un lion armé d'un foudre? La fable met la foudre entre les mains du maître des dieux, ou elle en arme l'aigle qui l'ac<118>compagne; jamais lion n'a eu cet attribut. Mais quittons Malherbe avec ses métaphores impropres, et venons aux Corneille, aux Racine, aux Despréaux, aux Bossuet, aux Fléchier, aux Pascal, aux Fénelon, aux Boursault, aux Vaugelas, les véritables pères de la langue française. Ce sont eux qui ont formé le style, fixé l'usage des mots, rendu les phrases harmonieuses, et qui ont donné de la force et de l'énergie au vieux jargon barbare et discordant de leurs ancêtres. On dévora les ouvrages de ces beaux génies. Ce qui plaît se retient. Ceux qui avaient du talent pour les lettres, les imitèrent. Le style et le goût de ces grands hommes se communiqua, depuis, à toute la nation. Mais souffrez que je vous arrête un moment pour vous faire remarquer qu'en Grèce, en Italie, comme en France, les poëtes ont été les premiers qui, rendant leur langue flexible et harmonieuse, l'ont ainsi préparée à devenir plus souple et plus maniable sous la plume des auteurs qui, après eux, écrivirent en prose.
Si je me transporte maintenant en Angleterre, j'y trouve un tableau semblable à celui que je vous ai fait de l'Italie et de la France. L'Angleterre avait été subjuguée par les Romains, par les Saxons, par les Danois, et enfin par Guillaume le Conquérant, duc de Normandie. De cette confusion des langues de leurs vainqueurs, en y joignant le jargon qu'on parle encore dans la principauté de Galles, se forma l'anglais. Je n'ai pas besoin de vous avertir que, dans ces temps de barbarie, cette langue était au moins aussi grossière que celles dont je viens de vous parler. La renaissance des lettres opéra le même effet sur toutes les nations : l'Europe était lasse de l'ignorance crasse dans laquelle elle avait croupi durant tant de siècles; elle voulut s'éclairer. L'Angleterre, toujours jalouse de la France, aspirait à produire elle-même ses auteurs; et comme pour écrire il faut avoir une langue, elle commença à perfectionner la sienne. Pour aller plus vite, elle s'appropria, du latin, du français, de l'italien, tous les termes qu'elle jugea lui être nécessaires; elle eut des écrivains célèbres; mais ils ne<119> purent adoucir ces sons aigus de leur langue, qui choquent les oreilles étrangères. Les autres idiomes perdent quand on les traduit; l'anglais seul y gagne. Je me souviens à ce propos de m'être trouvé un jour avec des gens de lettres; quelqu'un leur demanda en quelle langue s'était énoncé le serpent qui tenta notre première mère. « En anglais, répondit un érudit, car le serpent siffle. » Prenez cette mauvaise plaisanterie pour ce qu'elle vaut.
Après vous avoir exposé comment chez d'autres nations les langues ont été cultivées et perfectionnées, vous jugez sans doute qu'en employant les mêmes moyens, nous réussirons également comme eux. Il nous faut donc de grands poëtes et de grands orateurs pour nous rendre ce service, et nous ne devons pas l'attendre des philosophes : leur partage est de déraciner des erreurs et de découvrir des vérités nouvelles. Les poëtes et les orateurs doivent nous enchanter par leur harmonie, nous attendrir et nous persuader; mais comme on ne fait pas naître des génies à point nommé, voyons si nous ne pourrons pas faire également quelques progrès en employant des secours intermédiaires. Pour resserrer notre style, retranchons toute parenthèse inutile; pour acquérir de l'énergie, traduisons les auteurs anciens qui se sont exprimés avec le plus de force et de grâce. Prenons chez les Grecs Thucydide, Xénophon; n'oublions pas la Poétique d'Aristote; qu'on s'applique surtout à bien rendre la force de Démosthène. Nous prendrons des Latins le Manuel d'Épictète, les Pensées de l'empereur Marc-Aurèle, les Commentaires de César, Salluste, Tacite, l'Art poétique d'Horace. Les Français pourront nous fournir les Pensées de La Rochefoucauld, les Lettres persanes, l'Esprit des lois. Tous ces livres que je propose, la plupart écrits en style sentencieux, obligeront ceux qui les traduiront, à fuir les termes oiseux et les paroles inutiles; nos écrivains emploieront toute leur sagacité à resserrer leurs idées, pour que leur traduction ait la même force que l'on admire dans leurs originaux. Toutefois, en rendant leur style plus énergique, ils seront<120> attentifs à ne point devenir obscurs; et pour conserver cette clarté, le premier des devoirs de tout écrivain, ils ne s'écarteront jamais des règles de la grammaire, afin que les verbes qui doivent régir les phrases, soient placés de sorte qu'il n'en résulte aucun sens amphibologique. Des traductions faites en ce genre serviront de modèles, sur lesquels nos écrivains pourront se mouler. Alors nous pourrons nous flatter d'avoir suivi le précepte qu'Horace donne aux auteurs dans sa Poétique : Tot verba, tot pondera.120-a
Il sera plus difficile d'adoucir les sons durs dont la plupart des mots de notre langue abondent.120-b Les voyelles plaisent aux oreilles; trop de consonnes rapprochées les choquent, parce qu'elles coûtent à prononcer, et n'ont rien de sonore. Nous avons, de plus, quantité de verbes auxiliaires et actifs dont les dernières syllabes sont sourdes et désagréables, comme sagen, geben, nehmen : mettez un a au bout de ces terminaisons, et faites-en sagena, gebena, nehmena, et ces sons flatteront l'oreille. Mais je sais aussi que, quand même l'Empereur, avec ses huit électeurs, dans une diète solennelle de l'Empire, donnerait une loi pour qu'on prononçât ainsi, les sectateurs zélés du tudesque se moqueraient d'eux, et crieraient partout en beau latin : Caesar non est super grammaticos; et le peuple, qui décide des langues en tout pays, continuerait à prononcer sagen et geben, comme de coutume. Les Français ont adouci par la prononciation bien des mots qui choquent les oreilles, et qui avaient fait dire à l'empereur Julien que les Gaulois croassaient comme les corneilles.120-c Ces mots, tels qu'on les prononçait alors, sont, cro-jo-gent, voi-yai-gent. On les prononce à<121> présent croyent, voyent; s'ils ne flattent pas, ils sont toutefois moins désagréables. Je crois que pour de certains mots nous en pourrions user de même.
Il est encore un vice que je ne dois pas omettre, celui des comparaisons basses et triviales, puisées dans le jargon du peuple. Voici, par exemple, comme s'exprima un poëte qui dédia ses ouvrages à je ne sais quel protecteur : « Schiess, grosser Gönner, schiess deine Strahlen, Arm dick, auf deinen Knecht hernieder.121-a Répands, grand protecteur, répands tes rayons gros comme le bras sur ton serviteur. » Que dites-vous de ces rayons gros comme le bras? N'aurait-on pas dû dire à ce poëte : Mon ami, apprends à penser avant de te mêler d'écrire? N'imitons donc pas les pauvres qui veulent passer pour riches; convenons de bonne foi de notre indigence; que cela nous encourage plutôt à gagner par nos travaux les trésors de la littérature, dont la possession mettra le comble à la gloire nationale.
Après vous avoir exposé de quelle manière on pourrait former notre langue, je vous prie de me prêter la même attention à l'égard des mesures que l'on pourrait prendre pour étendre la sphère de nos connaissances, rendre les études plus faciles, plus utiles, et former en même temps le goût de la jeunesse. Je propose, en premier lieu, qu'on fasse un choix plus réfléchi des recteurs qui doivent régir les classes, et qu'on leur prescrive une méthode sage et judicieuse qu'ils doivent suivre en enseignant, tant pour la grammaire et pour la dialectique qu'également pour la rhétorique; qu'on fasse de petites distinctions pour les enfants qui s'appliquent, et de légères flétrissures pour ceux qui se négligent. Je crois que le meilleur traité de logique, et en même temps le plus clair, est celui de Wolff. Il faudrait donc obliger tous les recteurs à l'enseigner, d'autant plus que celui de<122> Batteux122-a n'est pas traduit, et qu'il ne l'emporte pas sur l'autre. Pour la rhétorique, qu'on s'en tienne à Quintilien. Quiconque, en l'étudiant, ne parvient pas à l'éloquence, n'y parviendra jamais. Le style de cet ouvrage est clair, il contient tous les préceptes et les règles de l'art; mais il faut, avec cela, que les maîtres examinent avec soin les thèmes de leurs écoliers, en leur expliquant les raisons pour lesquelles on corrige leurs fautes, et en louant les endroits où ils ont réussi.
Si les maîtres suivent la méthode que je propose, ils développeront le germe des talents où la nature en a semé; ils perfectionneront le jugement de leurs écoliers, en les accoutumant à ne point décider sans connaissance de cause, ainsi qu'à tirer des conséquences justes de leurs principes. La rhétorique rendra leur esprit méthodique; ils apprendront l'art d'arranger leurs idées, de les joindre et de les lier les unes aux autres par des transitions naturelles, imperceptibles et heureuses; ils sauront proportionner le style au sujet, employer à propos les figures, tant pour varier la monotonie du style que pour répandre des fleurs sur les endroits qui en sont susceptibles; et ils ne confondront pas deux métaphores en une, ce qui ne peut présenter qu'un sens louche au lecteur. La rhétorique leur enseignera encore à faire un choix des arguments qu'ils veulent employer, selon le caractère de l'auditoire auquel ils ont à s'adresser; ils apprendront à s'insinuer dans les esprits, à plaire, à émouvoir, à exciter l'indignation ou la pitié, à persuader, à entraîner tous les suffrages. Quel art divin que celui où, par le moyen de la seule parole, sans force ni violence, on parvient à subjuguer les esprits, à régner sur les cœurs, et à savoir exciter dans une nombreuse assemblée les passions desquelles on veut<123> qu'elle soit susceptible! Si les bons auteurs étaient traduits en notre langue, j'en recommanderais la lecture, comme celle d'une chose importante et nécessaire. Par exemple, pour les logiciens, rien ne les formerait mieux que le Commentaire de Bayle sur les comètes, et sur le Contrains-les d'entrer. Bayle est, selon mes faibles lumières, le premier des dialecticiens de l'Europe : il raisonne non seulement avec force et précision, mais il excelle surtout à voir d'un coup d'œil tout ce de quoi une proposition est susceptible, son côté fort, son côté faible, comment il faut la soutenir, et comment on pourra réfuter ceux qui l'attaqueront. Dans son grand Dictionnaire, il attaque Ovide sur le débrouillement du chaos; il y a des articles excellents sur les manichéens, sur Épicure, sur Zoroastre, etc. Tous méritent d'être lus et étudiés, et ce sera un avantage inestimable pour les jeunes gens qui pourront s'approprier la force du raisonnement et la vive pénétration d'esprit de ce grand homme.
Vous devinez d'avance les auteurs que je recommanderai à ceux qui étudient l'éloquence. Pour qu'ils apprennent à sacrifier aux Grâces, je voudrais qu'ils lussent les grands poëtes, Homère, Virgile, quelques odes choisies d'Horace, quelques vers d'Anacréon. Afin qu'ils prissent le grand goût de l'éloquence, je mettrais Démosthène et Cicéron entre leurs mains; on leur ferait remarquer en quoi diffère le mérite de ces deux grands orateurs. Au premier on ne saurait rien ajouter, au second il n'y a rien à retrancher.123-a Ces lectures pourraient être suivies des belles oraisons funèbres de Bossuet et de Fléchier, du Démosthène et du Cicéron français, et du Petit Carême de Massillon, rempli de traits de la plus sublime éloquence. Afin de leur apprendre dans quel goût il faut écrire l'histoire, je voudrais qu'ils lussent Tite-Live, Salluste, Tacite; on leur ferait remarquer en même temps la noblesse du style, la beauté de leur narration, en condamnant toute<124> fois la crédulité avec laquelle Tite-Live donne, à la fin de chaque année, une liste de miracles les uns plus ridicules que les autres. Ces jeunes gens pourraient ensuite parcourir l'Histoire universelle de Bossuet, et les Révolutions romaines, par l'abbé de Vertot; on pourrait y ajouter l'avant-propos de l'Histoire de Charles-Quint, par Robertson. Ce serait le moyen de leur former le goût et de leur apprendre comment il faut écrire. Mais si le recteur n'a pas lui-même ces connaissances, il se contentera de dire : Ici Démosthène emploie le grand argument oratoire; là, et dans la plus grande partie du discours, il se sert de l'enthymème; voilà une apostrophe, voici une prosopopée; en tel endroit une métaphore, dans l'autre une hyperbole. Cela est bon; mais si le maître ne relève pas mieux les beautés de l'auteur, et qu'il n'en fasse pas remarquer les défauts (parce qu'il en échappe même aux plus grands orateurs), il n'aura pas rempli sa tâche. J'insiste si fort sur toutes ces choses, à cause que je voudrais que la jeunesse sortît des écoles avec des idées nettes, et que, non content de leur remplir la mémoire, l'on s'attachât surtout à leur former le jugement, afin qu'ils apprissent à discerner le bon du mauvais, et que, ne se bornant pas à dire, Cela me plaît, ils pussent à l'avenir donner des raisons solides de ce qu'ils approuvent ou de ce qu'ils rejettent.
Pour vous convaincre du peu de goût qui, jusqu'à nos jours, règne en Allemagne, vous n'avez qu'à vous rendre aux spectacles publics. Vous y verrez représenter les abominables pièces de Shakspeare, traduites en notre langue,124-a et tout l'auditoire se pâmer d'aise en entendant ces farces ridicules et dignes des sauvages du Canada. Je les appelle telles, parce qu'elles pèchent contre toutes les règles du théâtre. Ces règles ne sont point arbitraires; vous les trouvez dans la Poétique d'Aristote, où l'unité de lieu, l'unité de temps et l'unité d'intérêt sont prescrites comme les seuls moyens de rendre les tragédies intéres<125>santes; au lieu que, dans ces pièces anglaises, la scène dure l'espace de quelques années. Où est la vraisemblance? Voilà des crocheteurs et des fossoyeurs qui paraissent, et qui tiennent des propos dignes d'eux; ensuite viennent des princes et des reines. Comment ce mélange bizarre de bassesse et de grandeur, de bouffonnerie et de tragique, peut-il toucher et plaire? On peut pardonner à Shakspeare ces écarts bizarres; car la naissance des arts n'est jamais le point de leur maturité. Mais voilà encore un Götz de Berlichingen qui paraît sur la scène,125-a imitation détestable de ces mauvaises pièces anglaises; et le parterre applaudit et demande avec enthousiasme la répétition de ces dégoûtantes platitudes. Je sais qu'il ne faut point disputer des goûts; cependant permettez - moi de vous dire que ceux qui trouvent autant de plaisir aux danseurs de corde, aux marionnettes, qu'aux tragédies de Racine, ne veulent que tuer le temps; ils préfèrent ce qui parle à leurs yeux à ce qui parle à leur esprit, et ce qui n'est que spectacle à ce qui touche le cœur. Mais revenons à notre sujet.
Après vous avoir parlé des basses classes, il faut que j'agisse avec la même franchise à l'égard des universités, et que je vous propose les corrections qui paraîtront les plus avantageuses et les plus utiles à ceux qui voudront se donner la peine d'y bien réfléchir. Il ne faut pas croire que la méthode qu'emploient les professeurs pour enseigner les sciences, soit indifférente : s'ils manquent de clarté et de netteté, leurs peines sont perdues. Ils ont leur cours tout préparé d'avance, et ils s'en tiennent là; que ce cours de leur science soit bien ou mal fait, personne ne s'en embarrasse; aussi voit-on le peu d'avantage qu'on retire de ces études : bien peu d'écoliers en sortent avec les connaissances qu'ils en devraient rapporter. Mon idée serait donc de prescrire à chaque professeur la règle qu'il doit suivre en enseignant dans ses colléges. En voici l'ébauche :
<126>Mettons le géomètre et le théologien de côté, parce qu'il n'y a rien à ajouter à l'évidence du premier, et qu'il ne faut point choquer les opinions populaires du dernier. Je trouve d'abord le philosophe. J'exigerais qu'il commençât son cours par une définition exacte de la philosophie; qu'ensuite, en remontant aux temps les plus reculés, il rapportât toutes les différentes opinions que les hommes ont eues, selon l'ordre des temps où ont fleuri ceux qui les ont enseignées. Il ne suffirait pas, par exemple, de leur dire que les stoïciens admettaient dans leur système que les âmes humaines sont des parcelles de la Divinité. Quelque belle et sublime que soit cette idée, le professeur fera remarquer qu'elle implique contradiction, parce que, si l'homme était une parcelle de la Divinité, il aurait des connaissances infinies, qu'il n'a point; parce que, si Dieu était dans les hommes, il arriverait à présent que le Dieu anglais se battrait contre le Dieu français et espagnol; que ces diverses parties de la Divinité tâcheraient de se détruire réciproquement, et qu'enfin toutes les scélératesses, tous les crimes que les hommes commettent, seraient des œuvres divines. Quelle absurdité d'admettre de pareilles horreurs! Donc elles ne sont pas vraies. S'il touche au système d'Épicure, il s'arrêtera surtout sur l'impassibilité que ce philosophe attribue à ses dieux, ce qui est contraire à la nature divine; il n'oubliera pas d'insister sur l'absurdité de la déclinaison des atonies, et sur tout ce qui répugne à l'exactitude et à la liaison du raisonnement. Il fera sans doute mention de la secte acataleptique, et de la nécessité où les hommes se trouvent souvent de suspendre leur jugement en tant de matières métaphysiques où l'analogie et l'expérience ne sauraient leur prêter de fil pour se conduire dans ce labyrinthe. Ensuite il en viendra à Galilée : il exposera nettement son système; il ne manquera pas d'appuyer sur l'absurdité du clergé romain, qui ne voulait pas que la terre tournât, qui se révoltait contre les antipodes, et qui, tout infaillible qu'il croyait être, perdit, à cette fois au moins, son procès devant le tribunal de la rai<127>son. Viendra ensuite Copernic, Tycho Brahé, le système des tourbillons. Le professeur démontrera à ses auditeurs l'impossibilité du plein, qui s'opposerait à tout mouvement;127-a il prouvera évidemment, malgré Des Cartes, que les animaux ne sont pas des machines. Ceci sera suivi de l'abrégé du système de Newton, du vide, qu'il faut admettre, sans qu'on puisse dire si c'est une négation d'existence, ou si ce vide est un être à la nature duquel nous ne pouvons attacher aucune idée précise. Cela n'empêchera pas que le professeur n'instruise son auditoire du parfait rapport de ce système, calculé par Newton, avec les phénomènes de la nature; et c'est ce qui obligea les modernes d'admettre la pesanteur, la gravitation, la force centripète et la force centrifuge, propriétés occultes de la nature, inconnues jusqu'à nos jours. Ce sera alors le tour de Leibniz, du système des monades et de celui de l'harmonie préétablie. Le professeur fera remarquer sans doute que sans unité point de nombre. Donc il faut admettre des corps insécables dont la matière soit composée. Il fera observer, de plus, à son auditoire qu'idéalement la matière peut se diviser à l'infini; mais que, dans la pratique, les premiers corps, pour être trop déliés, échappent à nos sens, et qu'il faut de toute nécessité des premières parties indestructibles qui servent de principes aux éléments; car rien ne se fait de rien, et rien ne s'anéantit. Ce professeur représentera le système de l'harmonie préétablie comme le roman d'un homme de beaucoup de génie;127-b et il ajoutera sans doute que la nature prend la voie la plus courte pour arriver à ses fins; il remarquera qu'il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité.127-c Viendra ensuite Spinoza, qu'il réfutera sans peine, en employant les mêmes arguments<128> dont il s'est servi contre les stoïciens; et s'il prend ce système du côté où il paraît nier l'existence du premier être, rien ne lui sera plus facile que de le réduire en poudre, surtout s'il fait voir la destination de chaque chose, le but pour lequel elle est faite. Tout, même jusqu'à la végétation d'un brin d'herbe, prouve la Divinité; et si l'homme jouit d'un degré d'intelligence qu'il ne s'est point donné, il faut, à plus forte raison, que l'être dont il tient tout, ait un esprit infiniment plus profond et plus immense. Notre professeur ne mettra pas Malebranche tout à fait de côté. En développant les principes de ce savant père de l'Oratoire, il montrera que les conséquences qui en découlent naturellement, ramènent à la doctrine des stoïciens, à l'âme universelle dont tous les êtres animés font partie. Si nous voyons tout en Dieu, si nos sensations, nos pensées, nos désirs, notre volonté émanent directement de ses opérations intellectuelles sur nos organes, nous ne devenons que des machines mues par des mains divines. Dieu reste seul, et l'homme disparaît. Je me flatte que M. le professeur, s'il a le sens commun, n'oubliera pas le sage Locke, le seul des métaphysiciens qui a sacrifié l'imagination au bon sens, qui suit l'expérience autant qu'elle peut le conduire, et qui s'arrête prudemment quand ce guide vient à lui manquer. Est-il question de morale, M. le professeur dira quelques mots de Socrate; il rendra justice à Marc-Aurèle, et il s'étendra plus amplement sur les Offices de Cicéron, le meilleur ouvrage de morale qu'on ait écrit et qu'on écrira.128-a
Je ne dirai que deux mots aux médecins. Ils doivent surtout accoutumer leurs élèves à bien examiner les symptômes des maladies, pour en bien connaître le genre. Ces symptômes sont : un pouls rapide et faible, un pouls fort et violent, un pouls intermittent, la sécheresse de la langue, les yeux, la nature de la transpiration, les sécrétions, tant urines que matières fécales; dont ils peuvent tirer des inductions pour apprécier moins vaguement le genre de marasme<129> qui cause la maladie; et c'est sur ces connaissances qu'ils doivent faire choix des remèdes convenables. Le professeur fera, de plus, soigneusement observer à ses écoliers la prodigieuse différence des tempéraments, et l'attention qu'ils exigent. Il promènera la même maladie de tempérament en tempérament; il insistera principalement sur la nécessité d'observer combien, dans la même maladie, la médecine doit être proportionnée à la compétence de la constitution du patient. Je n'ose pas néanmoins présumer qu'avec toutes ces instructions ces jeunes Esculapes fassent des miracles. Le gain que le public y fera, c'est qu'il y aura moins de citoyens tués par l'ignorance ou par la paresse des médecins.
Pour abréger, je passe sur la botanique, la chimie et les expériences physiques, afin d'entreprendre M. le professeur en droit, qui m'a la mine bien rébarbative. Je lui dirai : Monsieur, nous ne sommes plus dans le siècle des mots, nous sommes dans celui des choses. De grâce, pour l'avantage du public, daignez mettre un peu moins de pédanterie et plus de bon sens dans les profondes leçons que vous croyez faire. Vous perdez votre temps, monsieur, à enseigner un droit public qui n'est pas même un droit particulier, que les puissants ne respectent pas, et dont les faibles ne tirent aucune assistance. Vous endoctrinez vos écoliers des lois de Minos, de Solon, de Lycurgue, des douze tables de Rome, du code de l'empereur Justinien; et pas le mot ou peu de chose des lois et des coutumes reçues dans nos provinces. Pour vous tranquilliser, nous vous promettons de croire que votre cervelle est formée de la quintessence de celles de Cujas et de Bartole fondues ensemble; mais daignez considérer que rien n'est plus précieux que le temps, et que celui qui le perd en phrases inutiles, est un prodigue auquel vous adjugeriez le séquestre, si on l'accusait devant votre tribunal. Permettez donc, monsieur, tout érudit que vous êtes, qu'un ignorant de ma trempe, si vous encouragez ma timidité, vous propose une espèce de cours de droit que vous pourriez<130> faire. Vous commencerez par prouver la nécessité des lois, parce qu'aucune société ne peut se soutenir sans elles. Vous montrerez qu'il y en a de civiles, de criminelles, et d'autres qui ne sont que de convention. Les premières servent pour assurer les possessions, soit pour les héritages, soit pour les dots, les douaires, les contrats de vente et d'achat; elles indiquent les principes qui servent de règle pour décider des limites, ainsi que pour éclaircir des droits qui sont en litige. Les lois criminelles sont plutôt pour atterrer le crime que pour le punir; les peines doivent être proportionnées aux délits, et les châtiments les plus doux doivent en tout temps être préférés aux plus rigoureux. Les lois de convention sont celles que les gouvernements établissent pour favoriser le commerce ou l'industrie. Les deux premières sortes de lois sont d'un genre stable; les dernières sont sujettes à des changements, soit par des causes internes, ou externes, qui peuvent obliger d'abroger les unes et d'en créer de nouvelles. Ce préambule exposé avec toute la netteté nécessaire, M. le professeur, sans consulter Grotius ni Pufendorf, aura la bonté d'analyser les lois de la contrée où il réside; il se gardera surtout de donner du goût à ses élèves pour l'esprit contentieux; au lieu d'en faire des embrouilleurs, il en fera des débrouilleurs; et il emploiera tous ses soins à mettre de la justesse, de la clarté et de la précision dans ses leçons. Pour former à cette méthode ses disciples dès leur jeunesse, il ne négligera pas surtout de leur inspirer du mépris pour l'esprit contentieux qui sophistique tout, et qui semble un répertoire inépuisable de subtilités et de chicanes.
Je m'adresse à présent à M. le professeur d'histoire; je lui propose pour modèle le savant et célèbre Thomasius.130-a Notre professeur gagnera de la réputation s'il approche de ce grand homme, de la gloire s'il l'égale. Il commencera son cours, selon l'ordre des temps,<131> par les histoires anciennes; il finira par les histoires modernes. Il n'omettra aucun peuple dans cette suite de siècles : il n'oubliera ni les Chinois, ni les Russes, ni la Pologne, ni le Nord, comme il est arrivé à M. Bossuet dans son ouvrage, d'ailleurs très-estimable. Notre professeur s'appliquera surtout à l'histoire d'Allemagne, comme la plus intéressante pour les Allemands; il se gardera cependant de s'enfoncer trop avant dans l'obscurité des origines, sur lesquelles les documents nous manquent, et qui, au demeurant, sont des connaissances assez inutiles. Il parcourra, sans s'appesantir, le neuvième, le dixième, le onzième, le douzième siècle; il s'étendra davantage sur le treizième siècle, où l'histoire commence à devenir plus intéressante. A mesure qu'il avance, il entrera dans de plus grands détails, parce que ces faits sont liés davantage à l'histoire de nos jours; il s'arrêtera plus particulièrement sur les événements qui ont eu des suites que sur ceux qui sont morts sans postérité, si j'ose m'exprimer ainsi. Le professeur remarquera l'origine des droits, des usages, des lois; il fera connaître à quelles occasions elles se sont établies dans l'Empire. Il faut qu'il marque l'époque où les villes impériales devinrent libres, et quels furent leurs priviléges; comment se forma la Hanse, ou la ligue des villes hanséatiques; comment les évêques et les abbés devinrent souverains; il expliquera de son mieux comment les électeurs acquirent le droit d'élire les Empereurs. Les différentes formes dont la justice a été administrée dans cette suite de siècles, ne doivent pas être omises. Mais c'est surtout depuis Charles-Quint que M. le professeur fera le plus d'usage de son discernement et de son habileté : depuis cette époque, tout devient intéressant et mémorable. Il s'appliquera à débrouiller de son mieux les causes des grands événements; indifférent pour les personnes, il louera les belles actions de ceux qui se sont illustrés, et il blâmera les fautes de ceux qui en ont commis.
Voilà enfin les troubles de la religion qui commencent; le professeur traitera cette partie en philosophe. Viennent ensuite les guerres<132> auxquelles ces troubles donnèrent lieu; ces grands intérêts seront traités avec la dignité qui leur convient. Voilà la Suède qui prend parti contre l'Empereur : le professeur dira ce qui donna lieu à Gustave-Adolphe de se transporter en Allemagne, et quelles raisons eut la France de se déclarer pour la Suède et pour la cause protestante; mais le professeur ne répétera pas les vieux mensonges que de trop crédules historiens ont répandus. Il ne dira point que Gustave-Adolphe a été tué par un prince allemand qui servait dans son armée, parce que cela n'est ni vrai, ni prouvé, ni vraisemblable.132-a La paix de Westphalie exigera un détail plus circonstancié, parce qu'elle est devenue la base des libertés germaniques, une loi qui restreint l'ambition impériale dans ses justes bornes, sur laquelle notre constitution présente est fondée.
Le professeur rapportera ensuite ce qui s'est passé sous les règnes des empereurs Léopold, Joseph et Charles VI. Ce champ vaste lui fournit de quoi exercer son érudition et son génie, surtout s'il ne néglige rien d'essentiel; et il n'oubliera pas, après avoir exposé tous les faits mémorables de chaque siècle, de rendre compte des opinions reçues, et des hommes qui se sont le plus distingués par leurs talents, par leurs découvertes, ou par leurs ouvrages; et il aura soin de ne pas omettre les étrangers contemporains des Allemands dont il parle.
Je crois qu'après avoir ainsi parcouru l'histoire peuple après peuple, on rendrait un service aux étudiants si l'on rassemblait toutes ces matières, et qu'on les leur représentât dans un tableau général. C'est surtout dans un tel ouvrage que l'ordre chronologique serait nécessaire pour ne pas confondre les temps, et pour apprendre à placer chaque fait important selon l'ordre qu'il doit occuper, les<133> contemporains à côté des contemporains; et pour que la mémoire soit moins chargée de dates, il serait bon de fixer les époques où les révolutions les plus importantes sont arrivées : ce sont autant de points d'appui pour la mémoire, qui se retiennent facilement, et qui empêchent que cet immense chaos d'histoires ne s'embrouille dans la tête des jeunes gens.
Un cours d'histoire tel que je le propose, doit être bien digéré, profondément pensé, et exempt de toute minutie. Ce n'est ni le Theatrum europaeum, ni l'Histoire des Germains de M. de Bünau que le professeur doit consulter; j'aimerais mieux l'adresser aux cahiers de Thomasius, s'il s'en trouve encore. Quel spectacle plus intéressant, plus instructif et plus nécessaire pour un jeune homme qui doit entrer dans le monde, que de repasser cette suite de vicissitudes qui ont changé si souvent la face de l'univers! Où apprendra-t-il mieux à connaître le néant des choses humaines qu'en se promenant sur les ruines des royaumes et des plus vastes empires? Mais, dans cet amas de crimes qu'on lui fait passer devant les yeux, quel plaisir pour lui de trouver de loin en loin de ces âmes vertueuses et divines qui semblent demander grâce pour la perversité de l'espèce! Ce sont les modèles qu'il doit suivre. Il a vu une foule d'hommes heureux environnés d'adulateurs : la mort frappe l'idole, les flatteurs s'enfuient, la vérité paraît, et les cris de l'abomination publique étouffent la voix des panégyristes. Je me flatte que le professeur aura assez de sens pour marquer à ses disciples les bornes qui distinguent une noble émulation d'avec celles d'une ambition démesurée, et qu'il les fera réfléchir sur tant de passions funestes qui ont entraîné les malheurs des plus vastes États; il leur prouvera par cent exemples que les bonnes mœurs ont été les vraies gardiennes des empires, ainsi que leur corruption, l'introduction du luxe et l'amour démesuré des richesses ont été de tout temps les précurseurs de leur chute. Si M. le professeur suit le plan que je propose, il ne se bornera pas à entasser<134> des faits dans la mémoire de ses écoliers; mais il travaillera à former leur jugement, à rectifier leur façon de penser, et surtout à leur inspirer de l'amour pour la vertu; ce qui, selon moi, est préférable à toutes les connaissances indigestes dont on farcit la tête des jeunes gens.
Il résulte, en général, de tout ce que je viens de vous exposer, que l'on devrait s'appliquer avec zèle et empressement à traduire dans notre langue tous les auteurs classiques des langues anciennes et modernes; ce qui nous procurerait le double avantage de former notre idiome et de rendre les connaissances plus universelles. En naturalisant tous les bons auteurs, ils nous apporteraient des idées neuves, et nous enrichiraient de leur diction, de leurs grâces et de leurs agréments. Et combien de connaissances le public n'y gagnera-t-il pas! De vingt-six millions d'habitants qu'on donne à l'Allemagne, je ne crois pas que cent mille d'entre eux sachent bien le latin, surtout si vous décomptez ce fatras de prêtres ou de moines qui savent à peine autant de latin qu'il en faut pour entendre tant bien que mal la syntaxe. Or, voilà donc vingt-cinq millions neuf cent mille âmes exclues de toutes connaissances, parce qu'elles ne sauraient les acquérir dans la langue vulgaire. Quel changement plus avantageux pourrait donc nous arriver que celui de rendre ces lumières plus communes en les répandant partout? Le gentilhomme qui passe sa vie à la campagne, ferait un choix de lectures qui lui seraient convenables, il s'instruirait en s'amusant; le gros bourgeois en deviendrait moins rustre; les gens désœuvrés y trouveraient une ressource contre l'ennui; le goût des belles-lettres deviendrait général, et il répandrait sur la société l'aménité, la douceur, les grâces, et des ressources inépuisables pour la conversation. De ce frottement des esprits résulterait ce tact fin, le bon goût qui, par un discernement prompt, saisit le beau, rejette le médiocre, et dédaigne le mauvais. Le public, devenu ainsi juge éclairé, obligera les auteurs nouveaux à travailler leurs ouvrages avec<135> plus d'assiduité et de soin, et à ne les donner au jour qu'après les avoir bien limés et repolis.
La marche que j'indique n'est point née de mon imagination; c'est celle de tous les peuples qui se sont policés; il n'y en a pas d'autre. Plus le goût des lettres gagnera, plus il y aura de distinction et de fortune à attendre pour ceux qui les cultivent supérieurement, plus l'exemple de ceux-là en animera d'autres. L'Allemagne produit des hommes à recherches laborieuses, des philosophes, des génies, et tout ce que l'on peut désirer; il ne faut qu'un Prométhée qui dérobe du feu céleste pour les animer.
Le sol qui a produit le fameux Des Vignes, chancelier du malheureux empereur Frédéric II; celui où sont nés ceux qui écrivirent les Lettres des hommes obscurs, bien supérieurs à leur siècle, eux qui sont les modèles de Rabelais; le sol qui a produit le fameux Érasme, dont l'Éloge de la folie petille d'esprit, et qui vaudrait encore mieux si l'on en retranchait quelques platitudes monacales qui se ressentent du mauvais goût du temps; le pays qui a vu naître un Mélanchthon, aussi sage qu'érudit; le sol, dis-je, qui a produit ces grands hommes, n'est point épuisé, et en ferait éclore bien d'autres. Que de grands hommes n'ajouterais-je pas à ceux-ci! Je compte hardiment au nombre des nôtres Copernic, qui, par ses calculs, rectifia le système planétaire, et prouva ce que Ptolémée a osé avancer quelques milliers d'années avant lui; tandis qu'un moine d'un autre côté de l'Allemagne découvrit, par ses opérations chimiques, les étonnants effets de l'explosion de la poudre; qu'un autre inventa l'imprimerie, art heureux qui perpétue les bons livres, et met le public en état d'acquérir des connaissances à peu de frais; un Othon Guericke, esprit inventif auquel nous devons la pompe pneumatique. Je n'oublierai certainement pas le célèbre Leibniz, qui a rempli l'Europe de son nom; si même son imagination l'a entraîné dans quelques visions systématiques, il faut toutefois avouer que ses écarts sont ceux d'un grand<136> génie. Je pourrais grossir cette liste des noms de Thomasius, de Bilfinger, de Haller et de bien d'autres; mais le temps présent m'impose silence : l'éloge des uns humilierait l'amour-propre des autres.
Je prévois qu'on m'objectera peut-être que, pendant les guerres d'Italie, on a vu fleurir Pic de la Mirandole. J'en conviens; mais il n'était que savant. On ajoutera que, pendant que Cromwell bouleversait sa patrie et faisait décapiter son roi sur un échafaud, Toland136-a publiait son Léviathan, et, peu après lui, Milton mit en lumière son Paradis perdu; que, même du temps de la reine Élisabeth, le chancelier Bacon avait déjà éclairé l'Europe et s'était rendu l'oracle de la philosophie, en indiquant les découvertes à faire, et en montrant le chemin qu'il fallait suivre pour y parvenir; que, pendant les guerres de Louis XIV, les bons auteurs en tout genre illustrèrent la France. Pourquoi donc, dira-t-on, nos guerres d'Allemagne auraient-elles été plus funestes aux lettres que celles de nos voisins? Il me sera aisé de vous répondre. En Italie, les lettres n'ont véritablement fleuri que sous la protection de Laurent de Médicis, du pape Léon X, et de la maison d'Este. Il y eut dans ces temps quelques guerres passagères, mais non destructives; et l'Italie, jalouse de la gloire que devait lui procurer la renaissance des beaux-arts, les encourageait autant que ses forces le permettaient. En Angleterre, la politique soutenue du fanatisme de Cromwell n'en voulait qu'au trône : cruel envers son roi, il gouverna sagement sa nation; aussi le commerce de cette île ne fut-il jamais plus florissant que sous son protectorat. Ainsi le Béhémoth ne peut se regarder que comme un libelle de parti. Le Paradis de Milton vaut mieux sans doute : ce poëte était un homme d'une imagination forte, qui avait pris le sujet de son poëme dans<137> une de ces farces religieuses qu'on jouait encore de son temps en Italie; et il faut remarquer surtout qu'alors l'Angleterre était paisible et opulente. Le chancelier Bacon, qui s'illustra sous la reine Élisabeth, vivait dans une cour polie; il avait les yeux pénétrants de l'aigle de Jupiter pour scruter les sciences, et la sagesse de Minerve pour les digérer. Le génie de Bacon est comme ces phénomènes rares qu'on voit paraître de loin en loin, et qui font autant d'honneur à leur siècle qu'à l'esprit humain. En France, le ministère du cardinal de Richelieu avait préparé le beau siècle de Louis XIV. Les lumières commençaient à se répandre; la guerre de la Fronde n'était qu'un jeu d'enfant. Louis XIV, avide de toute sorte de gloire, voulut que sa nation fut la première pour la littérature et le bon goût, comme en puissance, en conquêtes, en politique et en commerce. Il porta ses armes victorieuses dans les pays ennemis. La France se glorifiait des succès de son monarque, sans se ressentir des ravages de la guerre. Il est donc naturel que les Muses, qui se complaisent dans le repos et dans l'abondance, se fixassent dans son royaume. Mais ce que vous devez remarquer surtout, monsieur, c'est qu'en Italie, en Angleterre, en France, les premiers hommes de lettres et leurs successeurs écrivirent dans leur propre langue. Le public dévorait ces ouvrages, et les connaissances se répandaient généralement sur toute la nation. Chez nous, c'était tout autre chose. Nos querelles de religion nous fournirent quelques ergoteurs qui, discutant obscurément des matières inintelligibles, soutenaient, combattaient les mêmes arguments, et mêlaient les injures aux sophismes. Nos premiers savants furent, comme partout, des hommes qui entassaient faits sur faits dans leur mémoire, des pédants sans jugement, des Lipsius, des Freinshemius, des Gronovius, des Graevius, pesants restaurateurs de quelques phrases obscures qui se trouvaient dans les anciens manuscrits. Cela pouvait être utile jusqu'à un certain point, mais il ne fallait pas attacher toute leur application à des vétilles minutieuses, par conséquent<138> peu importantes. Ce qu'il y eut de plus fâcheux, c'est que la vanité pédantesque de ces messieurs aspirait aux applaudissements de toute l'Europe : en partie pour faire parade de leur belle latinité, en partie pour être admirés des pédants étrangers, ils n'écrivaient qu'en latin; de sorte que leurs ouvrages étaient perdus pour presque toute l'Allemagne. De là il résulta deux inconvénients : l'un, que la langue allemande, n'étant point cultivée, demeura chargée de son ancienne rouille; et l'autre, que la masse de la nation, qui ne savait pas le latin, ne pouvant s'instruire, faute d'entendre une langue morte, continua de croupir dans la plus crasse ignorance. Voilà des vérités auxquelles personne ne pourra répondre. Que messieurs les savants se souviennent quelquefois que les sciences sont les aliments de l'âme : la mémoire les reçoit comme l'estomac; mais elles causent des indigestions, si le jugement ne les digère. Si nos connaissances sont des trésors, il faut, non pas les enfouir, mais les faire profiter, en les répandant généralement dans une langue entendue par tous nos concitoyens.
Ce n'est que depuis peu que les gens de lettres ont pris la hardiesse décrire dans leur langue maternelle, et qu'ils ne rougissent plus d'être allemands. Vous savez qu'il n'y a pas longtemps qu'a paru le premier dictionnaire de la langue allemande qu'on ait connu;138-a je rougis de ce qu'un ouvrage aussi utile ne m'ait pas devancé d'un siècle. Cependant on commence à s'apercevoir qu'il se prépare un changement dans les esprits : la gloire nationale se fait entendre, on ambitionne de se mettre de niveau avec ses voisins, et l'on veut se frayer des routes au Parnasse, ainsi qu'au temple de Mémoire; ceux qui ont le tact fin le remarquent déjà. Qu'on traduise donc les ouvrages classiques anciens et modernes dans notre langue. Si nous voulons que l'argent circule chez nous, répandons-le dans le public, en rendant communes les sciences qui étaient si rares autrefois.
<139>Enfin, pour ne rien omettre de ce qui a retardé nos progrès, j'ajouterai le peu d'usage que l'on a fait de l'allemand dans la plupart des cours d'Allemagne. Sous le règne de l'empereur Joseph, on ne parlait à Vienne qu'italien; l'espagnol prévalut sous Charles VI; et durant l'empire de François Ier, né Lorrain, le français se parlait à sa cour plus familièrement que l'allemand; il en était de même dans les cours électorales. Quelle pouvait en être la raison? Je vous le répète, monsieur, c'est que l'espagnol, l'italien et le français étaient des langues fixées, et la nôtre ne l'était pas. Mais consolons-nous : la même chose est arrivée en France. Sous François Ier, Charles IX, Henri III, dans les bonnes compagnies on parlait plus l'espagnol et l'italien que le français; et la langue nationale ne fut en vogue qu'après qu'elle devint polie, claire, élégante, et qu'une infinité de livres classiques l'eurent embellie de leurs expressions pittoresques, et, en même temps, fixé sa marche grammaticale. Sous le règne de Louis XIV, le français se répandit dans toute l'Europe, et cela en partie pour l'amour des bons auteurs qui florissaient alors, même pour les bonnes traductions des anciens qu'on y trouvait. Et maintenant cette langue est devenue un passe-partout qui vous introduit dans toutes les maisons et dans toutes les villes. Voyagez de Lisbonne à Pétersbourg, et de Stockholm à Naples, en parlant le français vous vous faites entendre partout. Par ce seul idiome, vous vous épargnez quantité de langues qu'il vous faudrait savoir, qui surchargeraient votre mémoire de mots à la place desquels vous pouvez la remplir de choses, ce qui est bien préférable.
Voilà, monsieur, les différentes entraves qui nous ont empêchés d'aller aussi vite que nos voisins. Toutefois ceux qui viennent les derniers, surpassent quelquefois leurs prédécesseurs; cela pourra nous arriver plus promptement qu'on ne le croit, si les souverains prennent du goût pour les lettres, s'ils encouragent ceux qui s'y appliquent, en louant et récompensant ceux qui ont le mieux réussi : que nous ayons<140> des Médicis, et nous verrons éclore des génies. Des Augustes feront des Virgiles.140-a Nous aurons nos auteurs classiques; chacun, pour en profiter, voudra les lire; nos voisins apprendront l'allemand; les cours le parleront avec délice; et il pourra arriver que notre langue polie et perfectionnée s'étende, en faveur de nos bons écrivains, d'un bout de l'Europe à l'autre. Ces beaux jours de notre littérature ne sont pas encore venus; mais ils s'approchent. Je vous les annonce, ils vont paraître; je ne les verrai pas, mon âge m'en interdit l'espérance. Je suis comme Moïse : je vois de loin la terre promise, mais je n'y entrerai pas. Passez-moi cette comparaison. Je laisse Moïse pour ce qu'il est, et ne veux point du tout me mettre en parallèle avec lui; et pour les beaux jours de la littérature, que nous attendons, ils valent mieux que les rochers pelés et arides de la stérile Idumée.
108-a Voyez t. I, p. 264.
108-b Jean-Jacques Quandt, surintendant général à Königsberg, où Frédéric prit plaisir à l'entendre prêcher en 1739 et l'année suivante. Vingt ans après, le Roi parlait encore avec enthousiasme de son talent oratoire. Voyez Friedrichs des Grossen Jugend und Thronbesteigung. Eine Jubelschrift, par J.-D.-E. Preuss. Berlin, 1840, p. 218.
108-c Les vers que le Roi loue ici (Die Mädcheninsel, eine Elegie) sont de Jean-Nicolas Götz, né à Worms en 1721, pasteur à Winterbourg dans le comté de Sponheim, mort le 4 novembre 1781. Ce poëte n'était alors connu que sous le nom de l'Anonyme. Son élégie parut pour la première fois dans l'Anthologie der Deutschen. Herausgegeben von Christian Heinrich Schmid. Leipzig, 1772, in-8, t. III, p. 297-304. M. de Knebel en fit faire pour ses amis une édition spéciale, dont un exemplaire parvint au roi de Prusse. Voyez Adrastea. Herausgegeben von J. G. von Herder. Leipzig, 1803, t. V, p. 262 et 263.
109-a Voyez Fr. A. Wolf, Ueber ein Wort Friedrich's II. von deutscher Verskunst. Berlin, 1811.
109-b Der Postzug oder die noblen Passionen, par Cornélius-Hermann d'Ayrenhoff, 1769.
114-a Cette phrase n'est pas de Heineccius, mais d'Adam Eberti, professeur à Francfort-sur-l'Oder, qui publia, en 1723, sous le nom d'Aulus Apronius et en langue allemande, la relation d'un voyage en Allemagne. Une nouvelle édition en parut l'année suivante, avec une dédicace à la reine Sophie de Prusse, qu'il nomme, entre autres, Höchststrahlender Carfunkel an der Stirne der Tugend-Königinn von Europa, tandis qu'il appelle le Roi, den grossen Diamanten an dem Finger der itzigen Zeit.
120-a Cette sentence ne se trouve ni dans Horace ni dans aucun autre auteur romain.
120-b Voyez t. II, p. 44.
120-c L'empereur Julien dit, au commencement du Misopogon : « N'ai-je pas vu moi-même avec quelle complaisance les barbares d'au delà du Rhin goûtent une musique sauvage dont les paroles aussi rudes que les airs ressemblent au cri de certains oiseaux? » Histoire de l'empereur Jovien, et traductions de quelques ouvrages de l'empereur Julien, par M. l'abbé de la Bletterie. A Amsterdam, 1750, in-8, t. II, p. 270.
121-a Comme ce passage ne se trouve dans aucun ouvrage imprimé, M. de Hertzberg aurait voulu que le Roi y substituât quelques vers de Gottsched analogues à ceux qu'il citait dans son manuscrit, et qu'il a néanmoins conservés.
122-a Il n'existe pas, à notre connaissance, de logique de Batteux; il se peut que le Roi ait voulu parler de celle de Bayle, qu'il fit imprimer, en 1785, pour son usage et celui de son petit-neveu le prince Frédéric-Guillaume (III), sous le titre de : Système de philosophie, contenant la logique et la métaphysique, par M. Pierre Bayle. Voyez C. Dantal, Les délassements littéraires, ou Heures de lecture de Frédéric II. Elbing, 1791, p. 47; et Nouvelles lettres inédites de Frédéric II à son libraire Pitra. A Berlin, 1823, p. 32.
123-a Quintilien dit, au contraire, en parlant de Démosthène et de Cicéron : « Illi nihil detrahi potest, huic nihil adjici. » Institutio oratorio, lib. X, 1, 106.
124-a Les comédiens allemands de la troupe ambulante de Döbbelin jouèrent à Berlin, en 1775, Othello, en 1777 Hamlet, en 1778 Macbeth et Lear.
125-a Ce drame de Göthe fut joué à Berlin, pour la première fois, le 13 avril 1774, par les comédiens de la troupe ambulante de Henri-Gustave Koch.
127-a Dans son Épître à d'Argens, sur la faiblesse de l'esprit humain, 1749, le Roi a tiré parti du vers suivant de Boileau sur le plein de Des Cartes (Ép. V, v. 32) :
Comment, tout étant plein, tout a pu se mouvoir.
127-b Voyez t. I, p. 125, 262 et 263; t. II, p. 43.
127-c Voyez t. VI, p. 15, et Friedrich der Grosse. Eine Lebensgeschichte von J. D. E. Preuss. Berlin, 1833, t. III, p. 162.
128-a Voyez ci-dessus, p. 70.
130-a Les biographes du célèbre philosophe et jurisconsulte Thomasius n'ont jamais osé proposer pour modèles ses ouvrages historiques.
132-a Geijer, dans son Histoire de Suède (traduction allemande, Hambourg, 1836, t. III, p. 243 à 246), et tous les historiens impartiaux, prennent formellement le parti du duc François-Albert de Lauenbourg contre les insinuations que se permet Pufendorf, Commentariorum de rebus suecicis libri XXVI. Ultrajecti, 1686, in-fol., lib. IV, §. 63, p. 83.
136-a Le Léviathan, qui parut en anglais à Londres, en 1651, in-folio, a pour auteur Thomas Hobbes, et non pas John Toland. Un peu plus bas, le Roi, ne voulant peut-être que répéter le nom du livre intitulé le Léviathan, nomme le Béhémoth, autre ouvrage de Hobbes, publié en 1679.
138-a Le dictionnaire d'Adelung a paru depuis 1774.
140-a Un Auguste aisément peut faire des Virgiles. (Boileau, Ép. I, v. 174.)