<117> se mettre en état de donner autant de secours qu'il en reçoit. Voilà ce que dicte la prudence : mets-toi en état de ne craindre pas tes ennemis ni tes amis; mais quand tu as fait un traité, il faut y être fidèle. Tant que l'Empire, l'Angleterre et la Hollande ont été de concert contre Louis XIV, tant que le prince Eugène et Marlborough ont été bien unis, ils ont été vainqueurs; mais dès que l'Angleterre a abandonné ses alliés, Louis XIV s'est relevé dans l'instant.
Les puissances qui peuvent se passer de troupes mixtes ou d'auxiliaires font bien de les exclure de leurs armées; mais comme peu de princes de l'Europe sont dans une pareille situation, je crois qu'ils ne risquent rien avec les auxiliaires, tant que le nombre des nationaux leur est supérieur.
Machiavel n'écrivait que pour de petits princes, et j'avoue que je ne vois guère que de petites idées dans lui; il n'a rien de grand ni de vrai, parce qu'il n'est pas honnête homme.
Qui ne fait la guerre que pour autrui n'est que faible; qui la fait conjointement avec autrui est très-fort.
Sans parler de la guerre de 1701 des alliés contre la France, l'entreprise par laquelle trois rois du Nord dépouillèrent Charles XII d'une partie de ses États d'Allemagne fut exécutée pareillement avec des troupes de différents maîtres réunis par des alliances; et la guerre de l'année 1734, que la France commença sous prétexte de soutenir les droits de ce roi de Pologne toujours élu et toujours détrôné, fut faite par les Français et les Espagnols joints aux Savoyards.
Que reste-t-il à Machiavel après tant d'exemples, et à quoi se réduit l'allégorie des armes de Saül, que David refusa à cause de leur pesanteur, lorsqu'il devait combattre Goliath?a Ce n'est que de la crême fouettée. J'avoue que les auxiliaires incommodent quelquefois les princes; mais je demande si l'on ne s'incommode pas volontiers, lorsqu'on y gagne des villes et des provinces.
a I Samuel, XVII, v. 38 et 39.