<136>Après que l'auteur a prouvé la nécessité du crime, il veut encourager ses disciples par la facilité de le commettre. « Ceux qui entendent bien l'art de dissimuler, dit-il, trouveront toujours des hommes assez simples pour être dupés : » ce qui se réduit à ceci : votre voisin est un sot, et vous avez de l'esprit; donc il faut que vous le dupiez, parce qu'il est un sot. Ce sont des syllogismes pour lesquels des écoliers de Machiavel ont été pendus et roués en Grève.
Le politique, non content d'avoir démontré, selon sa façon de raisonner, la facilité du crime, relève ensuite le bonheur de la perfidie; mais ce qu'il y a de fâcheux, c'est que ce César Borgia, le plus grand scélérat, le plus perfide des hommes, que ce César Borgia, le héros de Machiavel, a été effectivement très-malheureux. Machiavel se garde bien de parler de lui à cette occasion. Il lui fallait des exemples; mais d'où les aurait-il pris, que du registre des procès criminels, ou de l'histoire des mauvais papes et des Nérons? Il assure qu'Alexandre VI, l'homme le plus faux, le plus impie de son temps, réussit toujours dans ses fourberies, puisqu'il connaissait parfaitement la faiblesse des hommes sur la crédulité.
J'ose assurer que ce n'était pas tant la crédulité des hommes que de certains événements et de certaines circonstances qui firent réussir quelquefois les desseins de ce pape; surtout, le contraste de l'ambition française et espagnole, la désunion et la haine des familles d'Italie, les passions et la faiblesse de Louis XII n'y contribuèrent pas moins.
La fourberie est même un défaut en style de politique, lorsqu'on la pousse trop loin. Je cite l'autorité d'un grand politique : c'est don Louis de Haro, qui disait du cardinal Mazarin qu'il avait un grand défaut en politique, c'est qu'il était toujours fourbe. Ce même Mazarin voulant employer M. de Fabert à une négociation scabreuse, le maréchal de Fabert lui dit : « Souffrez, monseigneur, que »