<165> argumentez, faites des systèmes, alléguez des exemples, employez toutes les subtilités, vous serez obligé d'en revenir à la justice malgré vous.
Je demande à Machiavel ce qu'il veut dire par ces paroles : « Si l'on remarque dans un souverain nouvellement élevé sur le trône, ce qui veut dire dans un usurpateur, de la prudence et du mérite, on s'attachera bien plus à lui qu'à ceux qui ne sont redevables de leur grandeur qu'à leur naissance. La raison de cela, c'est qu'on est bien plus touché du présent que du passé; et quand on y trouve de quoi se satisfaire, on ne va pas plus loin. »
Machiavel suppose-t-il que, de deux hommes également valeureux et sages, toute une nation préférera l'usurpateur au prince légitime? ou l'entend-il d'un souverain sans vertus, et d'un ravisseur vaillant et plein de capacité? Il ne se peut point que la première supposition soit celle de l'auteur; elle est opposée aux notions les plus ordinaires du bon sens : ce serait un effet sans cause que la prédilection d'un peuple en faveur d'un homme qui commet une action violente pour se rendre leur maître, et qui, d'ailleurs, n'aurait aucun mérite préférable à celui du souverain légitime.
Ce ne saurait être non plus la seconde supposition; car, quelque qualité qu'on donne à un usurpateur, on m'avouera que l'action violente par laquelle il élève sa puissance est une injustice.
A quoi peut-on s'attendre d'un homme qui débute par le crime, si ce n'est à un gouvernement violent et tyrannique? Il en est de même que d'un homme qui se marierait, et qui éprouverait une infidélité de sa femme le jour même de ses noces : je ne pense pas qu'il augurât bien de la vertu de sa nouvelle épouse pour le reste de sa vie.
Machiavel prononce sa condamnation en ce chapitre. Il dit clairement que, sans l'amour des peuples, sans l'affection des grands, et sans une armée bien disciplinée, il est impossible à un prince de se