<180>Le monde serait bien heureux, s'il n'y avait d'autres moyens que celui de la négociation pour maintenir la justice et pour rétablir la paix et la bonne harmonie entre les nations. L'on emploierait les raisons au lieu d'armes, et l'on s'entre-disputerait seulement au lieu de s'entr'égorger. Une fâcheuse nécessité oblige les princes d'avoir recours à une voie beaucoup plus cruelle; il y a des occasions où il faut défendre par les armes la liberté des peuples qu'on veut opprimer par injustice, où il faut obtenir par violence ce que l'iniquité refuse à la douceur, où les souverains doivent commettre la cause de leur nation au sort des batailles. C'est dans un des cas pareils que ce paradoxe devient véritable, qu'une bonne guerre donne et affermit une bonne paix.
C'est le sujet de la guerre qui la rend juste ou injuste. Les passions et l'ambition des princes leur offusquent souvent les yeux, et leur peignent avec des couleurs avantageuses les actions les plus violentes. La guerre est une ressource dans l'extrémité; ainsi il ne faut s'en servir qu'avec précaution et dans des cas désespérés, et bien examiner si l'on y est porté par une illusion d'orgueil ou par une raison solide et indispensable.
Il y a des guerres défensives, et ce sont sans contredit les plus justes.
Il y a des guerres d'intérêt, que les rois sont obligés de faire pour maintenir eux-mêmes les droits qu'on leur conteste; ils plaident, les armes à la main, et les combats décident de la validité de leurs raisons.
Il y a des guerres de précaution, que les princes font sagement d'entreprendre. Elles sont offensives, à la vérité, mais elles n'en sont pas moins justes. Lorsque la grandeur excessive d'une puissance semble prête à se déborder, et menace d'engloutir l'univers, il est de la prudence de lui opposer des digues, et d'arrêter le cours orageux d'un torrent, lors encore qu'on en est le maître. On voit des nuages qui s'assemblent, un orage qui se forme, les éclairs qui