<186> ouvrage à la suite de chaque chapitre, afin que l'antidote se trouvât d'abord auprès du poison.
J'ai toujours regardé le Prince de Machiavel comme un des ouvrages les plus dangereux qui se soient répandus dans le monde : c'est un livre qui doit tomber naturellement entre les mains des princes et de ceux qui se sentent du goût pour la politique; et comme il est très-facile qu'un jeune homme ambitieux, et dont le cœur et le jugement n'est pas assez formé pour distinguer le bon du mauvais, soit corrompu par des maximes qui flattent ses passions impétueuses, on doit regarder tout livre qui peut y contribuer comme absolument pernicieux et contraire au bien des hommes.
S'il est mauvais de séduire l'innocence d'un particulier, qui n'influe que légèrement sur les affaires du monde, il l'est d'autant plus de pervertir des princes qui doivent gouverner des peuples, administrer la justice et en donner l'exemple à leurs sujets, être, par leur bonté, par leur magnanimité et leur miséricorde, l'image vivante de la Divinité, et qui doivent moins être rois par leur grandeur et par leur puissance que par leurs qualités personnelles et par leurs vertus.
Les inondations des fleuves qui ravagent des contrées, le feu du tonnerre qui réduit des villes en cendres, le poison mortel et contagieux de la peste qui désole des provinces, ne sont pas aussi funestes au monde que la mauvaise morale et les passions effrénées des rois; car, comme, lorsqu'ils ont la volonté de faire du bien, ils en ont le pouvoir, ainsi, lorsqu'ils