<253>ment que soldat; il en fait un Don Quichotte complet, qui n'a l'imagination remplie que de champs de bataille, de retranchements, de la manière d'investir des places, de faire des lignes, des attaques, des postes et des fortifications. Je m'étonne que l'auteur ne se soit point avisé de le nourrir de soupes en avant-faces, de pâtés en bombes et de tartes en ouvrage à corne, et qu'il ne lui ait fait attaquer des moulins à vent, des brebis et des autruches, comme l'aimable extravagant de Michel de Cervantes.
Tels sont les travers dans lesquels on donne lorsqu'on s'éloigne de ce sage milieu qui est à l'égard de la morale ce qu'est le centre de gravité en fait de mécanique.
Un prince ne remplit que la moitié de sa vocation, s'il ne s'applique qu'au métier de la guerre; il est évidemment faux qu'il ne doit être que soldat, et l'on peut se souvenir de ce que j'ai dit sur l'origine des princes, au premier chapitre de cet ouvrage. Ils sont juges d'institution; et s'ils sont généraux, ce n'en est qu'un accessoire. Machiavel est comme les dieux d'Homère, que l'on dépeignait forts, robustes et puissants, mais jamais justes et équitables. Cet auteur ignore jusqu'au catéchisme de la justice; il ne connaît que l'intérêt et la violence.
L'auteur ne présente que de petites idées; son génie rétréci n'embrasse que des sujets propres pour la politique des petits princes. Rien de plus pitoyable que les raisons dont il se sert pour recommander la chasse aux princes : il est dans l'opinion que les princes apprendront par ce moyen à connaître les situations et les passages de leur pays.
Si un roi de France, si un Empereur prétendait acquérir de cette manière la connaissance de ses États, il leur faudrait autant de temps dans le cours de leur chasse qu'en emploie l'univers dans la grande révolution de l'année solaire.
Qu'on me permette d'entrer en un plus grand détail sur cette