<266> plus à l'élévation de l'un contribuerait le plus à la chute de l'autre. Si l'on confondait des intérêts si différents, on tomberait dans d'étranges fautes, et l'on ne pourrait manquer de faire de fausses applications de principes qui en eux-mêmes seraient bons et salutaires. Le luxe qui naît de l'abondance, et qui fait circuler les richesses par toutes les veines d'un État, fait fleurir un grand royaume; c'est lui qui entretient l'industrie, c'est lui qui multiplie les besoins des riches et des opulents pour les lier par ces mêmes besoins avec les pauvres et les indigents; le luxe est, relativement à un grand empire, ce qu'est le mouvement de diastole et de systole impugné au cœur, par rapport au corps humain. C'est ce ressort qui envoie le sang par les grandes artères jusqu'aux extrémités de nos membres, et qui le fait circuler par les petites veines, qui le ramènent au cœur pour qu'il le distribue de nouveau dans les différentes parties dont notre corps est composé.
Si quelque politique malhabile s'avisait de bannir le luxe d'un grand État, cet État tomberait en langueur et s'affaiblirait considérablement; l'argent, devenu inutile, resterait dans les coffres des richards, le commerce languirait, les manufactures tomberaient faute de débit, l'industrie périrait, les familles riches le resteraient à perpétuité, et les indigents n'auraient aucune ressource pour se tirer de leur misère.
Le luxe, tout au contraire, ferait périr un petit État; les particuliers se minent par leurs dépenses, et l'argent sortant en plus grande abondance du pays qu'il n'y rentre à proportion, ferait tomber ce corps délicat en consomption, et il ne manquerait pas de mourir étique. C'est donc une règle indispensable à tout politique de ne jamais confondre les petits États avec les grands, et c'est en quoi Machiavel pèche grièvement en ce chapitre.
La première faute que je dois lui reprocher est qu'il prend le mot