<269> de la prudence et de la circonspection dans l'administration des biens de l'État; mais c'est toujours pour le bien de l'État qu'un prince est libéral et généreux; c'est par là qu'il encourage l'industrie, qu'il donne de la consistance à la gloire, et qu'il anime la vertu même.
Il ne me reste plus qu'à relever une erreur de morale dans laquelle Machiavel est tombé. « La libéralité, dit-il, rend pauvre et par conséquent méprisable. » Quel pitoyable raisonnement, quelles fausses idées de ce qui est digne de louange ou de blâme! Quoi! Machiavel, les trésors d'un riche serviront d'équilibre à l'estime publique! Un métal méprisable en soi-même, et qui n'a qu'un prix arbitraire, rendra celui qui le possède digne d'éloge! Ce n'est donc point l'homme, mais c'est le monceau d'or qu'on tient en honneur! Conçoit-on qu'une pareille idée puisse entrer dans le cerveau d'une tête pensante? On acquiert des richesses par industrie, par succession, ou, ce qui est pis encore, par violence. Tous ces biens acquis sont hors de l'homme, il les possède, et il peut les perdre. Comment peut-on donc confondre des objets si différents en eux-mêmes que la vertu et une vile monnaie? Le duc de Newcastle, Samuel Bernard, ou pels,a sont connus par leurs richesses; mais il y a une différence entre être connu ou être estimé. L'orgueilleux Crésus et ses trésors, l'avare Crassus et ses richesses ont frappé la vue du peuple par leur opulence comme des phénomènes singuliers, sans rien dire au cœur et sans être estimés. Le juste Aristide et le sage Philopœmen, le maréchal de Turenne et M. de Catinat, dignes des mœurs qu'on suppose aux premiers siècles, furent l'admiration de leurs contemporains et l'exemple des honnêtes gens de tous les âges, malgré leur frugalité et leur désintéressement.
Ce n'est donc point la puissance, la force ou la richesse qui gagnent les cœurs des hommes, mais ce sont les qualités personnelles, la bonté et la vertu qui ont ce privilége. Ainsi la pauvreté ni
a Nous ignorons ce que signifient les mots « ou pels, » exactement copiés sur l'autographe.