<285> liberté romaine enfonça le poignard dans son flanc, ce fut parce que César était un usurpateur, et non pas à cause que César était galant.
On m'objectera peut-être l'expulsion des rois de Rome au sujet de l'attentat commis contre la pudicité de Lucrèce, pour soutenir le sentiment de Machiavel; mais je réponds que, non pas l'amour du jeune Tarquin pour Lucrèce, mais la manière violente de faire cet amour donna lieu au soulèvement de Rome; et que, comme cette violence réveillait dans la mémoire du peuple l'idée d'autres violences commises par les Tarquins, ils songèrent sérieusement à s'en venger.
Je ne dis point ceci pour excuser la galanterie des princes, elle peut être moralement mauvaise; je ne me suis ici attaché à autre chose qu'à montrer qu'elle ne rendait point odieux les souverains. On regarde l'amour, dans les bons princes, comme une faiblesse et de même que les gens d'esprit regardent le commentaire sur l'Apocalypse parmi les autres ouvrages de Newton.
Mais ce qui me paraît digne de quelque réflexion, c'est que ce docteur qui prêche aux princes l'abstinence des femmes était florentin; outre les autres bonnes qualités que possédait Machiavel, aurait-il eu encore celle d'être jésuite?
Venons-en à présent aux conseils qu'il donne aux princes pour qu'ils ne se rendent pas méprisables. Il veut qu'ils ne soient ni capricieux, ni changeants, ni lâches, ni efféminés, ni indéterminés; en quoi il a assurément raison; mais il continue de leur conseiller de faire paraître beaucoup de grandeur, de gravité, de courage et de fermeté. Le courage est bon; mais pourquoi les princes doivent-ils se contenter de faire paraître ces vertus? pourquoi ne les doivent-ils pas plutôt posséder en effet? Si les princes ne possèdent pas ces qualités effectivement, ils les feront toujours très-mal paraître, et l'on sentira que l'acteur et le héros qu'il représente sont deux personnages.
Machiavel veut encore qu'un prince ne se doit point laisser gouverner, afin que l'on ne puisse pas présumer que quelqu'un ait assez