<288> proposer pour modèle la sagesse, c'est celui d'Angleterre : là, le parlement est l'arbitre du peuple et du Roi, et le Roi a tout le pouvoir de faire du bien, mais il n'en a point pour faire le mal.
Machiavel répond ensuite aux objections qu'il croit qu'on pourrait lui faire sur ce qu'il a avancé du caractère des princes, et il entre dans une grande discussion sur la vie des empereurs romains, depuis Marc-Aurèle jusqu'aux deux Gordiens. Suivons-le pour examiner son raisonnement. Le politique attribue la cause de ces changements fréquents à la vénalité de l'empire. Il est sûr que depuis que la charge d'empereur fut vendue par les gardes prétoriennes, les empereurs n'étaient plus sûrs de leur vie. Les gens de guerre disposaient de cette charge, et celui qui en était revêtu périssait, s'il n'était le protecteur de leurs vexations et le ministre de leurs violences; de sorte que les bons empereurs étaient massacrés par les soldats, et les méchants par conspiration et par ordre du sénat. Ajoutons à cela que la facilité qu'il y avait alors à s'élever à l'empire contribua beaucoup à ces fréquents changements, et que c'était alors la mode à Rome de tuer les empereurs, comme ce l'est encore de nos jours en quelques pays de l'Amérique que les fils étouffent leurs pères lorsqu'ils sont surchargés d'années. Tel est le pouvoir de la coutume sur les hommes, qu'elle fait passer au-dessus des sentiments de la nature même, lorsqu'il s'agit de lui obéir. Voici une réflexion sur la vie de Pertinax, qui répond mal aux préceptes que l'auteur donne au commencement de ce chapitre. Il dit, « Qu'un souverain qui veut absolument conserver sa couronne est quelquefois obligé de s'éloigner des termes de la justice et de la bonté. » Je crois avoir fait voir qu'en ces temps malheureux la bonté ni les crimes des empereurs ne les sauvaient des assassinats. Commode, successeur de Marc-Aurèle, en tout indigne de son prédécesseur, et se rendant le mépris du peuple et des soldats, fut mis à mort. Je me réserve de parler, à la fin du chapitre, de Sévère. Je passe donc à Caracalla, qui ne put se soutenir à cause de sa cruauté,