<323> Dans cette occasion, de petites misères de femmes sauvèrent Louis XIV d'un pas dont sa sagesse, ses forces et sa puissance ne l'auraient peut-être pas pu tirer, et obligèrent les alliés à faire la paix malgré eux.
Ces sortes d'événements arrivent; mais j'avoue que c'est rarement, et que leur autorité n'est pas suffisante pour décréditer entièrement la prudence et la pénétration; il en est comme des maladies, qui altèrent quelquefois la santé des hommes, mais qui ne les empêchent pas de jouir la plupart du temps des avantages d'un tempérament robuste.
Il faut donc nécessairement que ceux qui doivent gouverner le monde cultivent leur pénétration et leur prudence; mais ce n'est pas tout; car, s'ils veulent captiver la fortune, il faut qu'ils apprennent à plier leur tempérament sous les conjonctures, ce qui est très-difficile.
Je ne parle, en général, que de deux sortes de tempéraments, celui d'une vivacité hardie, et celui d'une lenteur circonspecte; et comme ces causes morales ont une cause physique, il est presque impossible qu'un prince soit si fort maître de lui-même, qu'il prenne toutes les couleurs comme un caméléon. Il y a des siècles qui favorisent la gloire des conquérants et de ces hommes hardis et entreprenants qui semblent nés pour agir et pour opérer des changements extraordinaires dans l'univers. Des révolutions, des guerres les favorisent, et principalement ces esprits de vertige et de défiance qui brouillent les souverains, leur fournissent des occasions pour déployer leurs dangereux talents; en un mot, toutes les conjonctures qui sympathisent avec leur naturel turbulent et actif facilitent leurs succès.
Il y a d'autres temps où le monde, moins agité, ne paraît vouloir être régi que par la douceur, où il ne faut que de la prudence et de la circonspection; c'est une espèce de calme heureux dans la politique, qui succède ordinairement après l'orage; c'est alors que les né-