<324>gociations sont plus efficaces que les batailles, et qu'il faut gagner par la plume ce que l'on ne saurait acquérir par l'épée.
Afin qu'un souverain pût profiter de toutes les conjonctures, il faudrait qu'il apprît à se conformer au temps, comme un habile pilote, qui déploie toutes ses voiles lorsque les vents lui sont favorables, mais qui va à la bouline, ou qui les cale même, lorsque la tempête l'y oblige, est uniquement occupé de conduire son vaisseau dans le port désiré, indépendamment des moyens pour y parvenir.
Si un général d'armée était circonspect et téméraire à propos, il serait presque indomptable; il y aurait des occasions où il tirerait la guerre en longueur, comme lorsqu'il aurait affaire à un ennemi qui manquerait de ressources pour fournir aux frais d'une longue guerre, ou lorsque l'armée opposée aurait une disette de provisions et de fourrage. Fabius matait Annibal par ses longueurs; ce Romain n'ignorait pas que le Carthaginois manquait d'argent et de recrues, et que, sans combattre, il suffisait de voir tranquillement fondre cette armée pour la faire périr, pour ainsi dire, d'inanition. La politique d'Annibal était, au contraire, de combattre; sa puissance n'était qu'une force d'accident, dont il fallait tirer avec promptitude tout l'avantage possible, afin de lui donner de la solidité par la terreur qu'impriment les actions brillantes et héroïques, et par les ressources qu'on tire des conquêtes.
En l'an 1704, si l'électeur de Bavière et le maréchal de Tallard n'étaient point sortis de Bavière pour s'avancer jusqu'à Blenheim et Höchstädt, ils seraient restés les maîtres de toute la Souabe; car l'armée des alliés, ne pouvant subsister en Bavière faute de vivres, aurait été obligée de se retirer vers le Main, et de se séparer. Ce fut donc manque de circonspection, lorsqu'il en était temps, que l'Électeur confia au sort d'une bataille à jamais mémorable et glorieuse pour la nation allemande ce qu'il ne dépendait que de lui de conserver. Cette imprudence fut punie par la défaite totale des Français et des Bava-