<325>rois, et par la perte de la Bavière et de tout ce pays qui est entre le Haut-Palatinat et le Rhin. La témérité est brillante, je l'avoue, elle frappe et elle éblouit; mais ce n'est qu'un beau dehors, elle est féconde en dangers. La prudence est moins vive, elle a moins d'éclat; mais elle marche d'un pas ferme et sans vaciller.
On ne parle point des téméraires qui ont péri; on ne parle que de ceux qui ont été secondés de la fortune. Il en est ainsi que des rêves et des prophéties : entre mille qui ont été fausses et que l'on oublie, on ne se ressouvient que d'un petit nombre qui se sont trouvées vraies. Le monde devrait juger des événements par leurs causes, et non pas des causes par l'événement.
Je conclus donc qu'un peuple risque beaucoup avec un prince téméraire; que c'est un danger continuel qui le menace; et que le souverain circonspect, s'il n'est pas propre pour les grands exploits, semble né avec des talents plus capables que ceux du premier pour rendre les peuples heureux sous sa domination. Le fort des téméraires, ce sont les conquêtes; le fort des prudents, c'est de les conserver.
Pour que les uns et les autres soient grands hommes, il faut qu'ils viennent à propos au monde, sans quoi les talents leur sont plus pernicieux que profitables. Tout homme raisonnable, et principalement ceux que le ciel a destinés pour gouverner les autres, devraient se faire un plan de conduite aussi bien raisonné et lié qu'une démonstration géométrique. En suivant en tout un pareil système, ce serait le moyen d'agir conséquemment, et de ne jamais s'écarter de son but; on pourrait ramener par là toutes les conjonctures et tous les événements à l'acheminement de ses desseins; tout concourrait pour exécuter les projets que l'on aurait médités.
Mais qui sont ces princes desquels nous prétendons tant de rares talents? Ce ne sont que des hommes, et il sera vrai de dire que, selon leur nature, il leur est impossible de satisfaire à tous leurs devoirs;