<334>pression et la violence des ambitieux, sont conformes à la justice et à l'équité. Les souverains qui en entreprennent de pareilles sont innocents de tout le sang répandu, puisqu'ils sont dans la nécessité d'agir, et que, dans ces circonstances, la guerre est un moindre malheur que la paix.
Ce sujet me conduit naturellement à parler des princes qui trafiquent du sang de leurs peuples par un infâme négoce. Leurs troupes sont au plus offrant; c'est une espèce d'encan où ceux qui renchérissent le plus par des subsides amènent les soldats de ces indignes souverains à la boucherie.a Ces princes devraient rougir de la lâcheté avec laquelle ils vendent la vie des hommes qu'ils devraient protéger comme pères des peuples; ces petits tyrans devraient entendre la voix de l'humanité, qui déteste le cruel abus qu'ils font de leur pouvoir, et qui de là même les juge indignes d'une plus haute fortune et des couronnes qu'ils n'ont pas.
Je me suis suffisamment expliqué dans le chapitre vingt et un sur les guerres de religion; j'ajoute encore qu'un souverain doit faire ce qu'il peut pour les éviter, ou du moins qu'il doit prudemment changer l'état de la question, puisque par là il diminuera le venin, l'acharnement et la cruauté qui ont été de tout temps inséparables des querelles de parti et des démêlés de religion. On ne saurait assez condamner, d'ailleurs, ceux qui, par un criminel abus, se servent, en tout ce qu'ils font, des termes de justice et d'équité, et qui, par une impiété sacrilége, font de l'Être suprême le bouclier de leur abominable ambition. Il faut une scélératesse infinie pour tromper le public par des prétextes aussi légers, et les princes devraient être assez économes du sang de leurs peuples pour ne point prodiguer la vie de leurs soldats, en faisant un mauvais usage de leur valeur.
La guerre est si féconde en malheurs, l'issue en est si peu certaine, et les suites en sont si ruineuses pour un pays, que les souve-
a Voyez, t. VI, p. 132.