<56> faits à Homère et à Virgile. Les chants de l'Iliade ont peu ou point de connexion les uns avec les autres; ce qui leur a mérité le nom de rapsodies. Dans la Henriade, on trouve une liaison intime entre tous les chants; ce n'est qu'un même sujet divisé par l'ordre des temps en dix actions principales. Le dénoûment de la Henriade est naturel : c'est la conversion de Henri IV et son entrée à Paris, qui mettent fin aux guerres civiles des ligueurs qui troublaient la France; et en cela le poëte français est infiniment supérieur au poëte latin, qui ne termine pas son Enéide d'une manière aussi intéressante qu'il l'avait commencée. Ce ne sont plus alors que les étincelles du beau feu que le lecteur admirait dans le commencement de ce poëme. On dirait que Virgile en a composé les premiers chants dans la fleur de sa jeunesse, et qu'il a composé les derniers dans cet âge où l'imagination mourante et le feu de l'esprit à moitié éteint ne permet plus aux guerriers d'être héros, ni aux poëtes d'écrire.
Si le poëte français imite en quelques endroits Homère et Virgile, c'est pourtant toujours une imitation qui sent l'original, et dans laquelle on voit que le jugement du poëte français est infiniment supérieur au poëte grec et au poëte latin. Comparez la descente d'Ulysse aux enfersa avec le septième chant de la Henriade, vous verrez que ce dernier est enrichi d'une infinité de beautés que M. de Voltaire ne doit qu'à lui-même; la seule idée d'attribuer au rêve de Henri IV ce qu'il voit dans le ciel, dans les enfers, et ce qui lui est pronostiqué dans le temple du Destin, vaut seule toute l'Iliade; car le rêve de Henri IV ramène tout ce qui lui arrive aux règles de la vraisemblance; au lieu que le voyage d'Ulysse aux enfers est dépourvu de tous les agréments qui auraient pu donner l'air de vérité à l'ingénieuse fiction d'Homère. De plus, tous les épisodes de la Henriade sont placés dans leurs lieux. L'art est si bien caché par l'auteur, qu'il
a Odyssée, chant XI.