<99> et qu'un tyran puisse exercer impunément la scélératesse : quand même il ne craindrait point une mort tragique, il sera également malheureux de se voir l'opprobre du genre humain; il ne pourra point étouffer ce témoignage intérieur de sa conscience qui dépose contre lui; il ne pourra point imposer silence à cette voix puissante qui se fait entendre sur les trônes des rois; il ne pourra point éviter cette funeste mélancolie qui frappera son imagination, qui sera son bourreau en ce monde.
Qu'on lise la vie d'un Denys, d'un Tibère, d'un Néron, d'un Louis XI, d'un tyran Basiliewitsch, etc.; l'on verra que ces monstres, également insensés et furieux, finirent de la manière du monde la plus malheureuse. L'homme cruel est d'un tempérament misanthrope et atrabilaire; si dès son jeune âge il ne combat pas cette malheureuse disposition de son corps, il ne saurait manquer de devenir aussi furieux qu'insensé. Quand même donc il n'y aurait point de justice sur la terre et point de Divinité au ciel, il faudrait d'autant plus que les hommes fussent vertueux, puisque la vertu les unit et leur est absolument nécessaire pour leur conservation, et que le crime ne peut que les rendre infortunés et les détruire.