<12>La malice du cœur humain, qui semble engourdie dans la solitude, se ranime dans le grand monde; et si le commerce des hommes, qui assortit les caractères les plus ressemblants, fournit des compagnons aux gens vertueux, il donne également des complices aux scélérats.
Les désordres s'accrurent dans les villes, de nouveaux vices prirent naissance, et les pères de famille, comme les plus intéressés à les réprimer, convinrent, pour leur sûreté, de s'opposer à ce débordement. On publia donc des lois, et l'on créa des magistrats pour les faire observer; tant est grande la dépravation du cœur humain, que, pour vivre en paix et heureux, on fut obligé de l'y contraindre par la puissance des lois.
Les premières lois ne parèrent qu'aux grands inconvénients : les civiles réglaient le culte des dieux, le partage des terres, les contrats de mariage et les successions; les lois criminelles n'étaient rigoureuses que pour les crimes dont on redoutait le plus les effets; et ensuite, à mesure qu'il survenait des inconvénients inattendus, de nouveaux désordres donnaient naissance à de nouvelles lois.
De l'union des villes se formèrent des républiques, et, par la pente que toutes les choses humaines ont à la vicissitude, leur gouvernement changea souvent de forme. Lassé de la démocratie, le peuple passait à l'aristocratie, à laquelle il substituait même le gouvernement monarchique; ce qui arrivait en deux manières, ou lorsque le peuple mettait sa confiance dans la vertu éminente d'un de ses citoyens, ou lorsque, par artifice, quelque ambitieux usurpait le souverain pouvoir. Il est peu d'États qui n'aient pas essayé de ces différents gouvernements; mais tous eurent des lois différentes.
Osiris est le premier législateur dont l'histoire profane fasse mention; il était roi d'Égypte, et il y établit ses lois. Les souverains même y étaient soumis; ces lois, qui réglaient le gouvernement du royaume, s'étendaient sur la conduite des particuliers.