<128> bienfaiteurs; rends-leur, s'il se peut, au centuple les services que tu reçus de leur générosité? Ah! plutôt que la mort termine mes jours que je ne les souille par une telle infamie! Pour que je sois gai et content, il faut que je sois satisfait de moi-même; il faut, le soir, qu'en récapitulant mes actions, je trouve de quoi flatter mon amour-propre, et non de quoi le ravaler : plus je trouve en moi de traces de justice, de générosité, de noblesse, de reconnaissance, de grandeur d'âme, plus je suis satisfait.
DEMANDE. Mais cette reconnaissance, vous l'étendez envers la patrie; que lui devez-vous?
RÉPONSE. Tout, mes faibles talents, mes soins, mon amour, ma vie.
DEMANDE. Il est vrai que l'amour de la patrie a produit en Grèce comme à Rome les plus belles actions. C'était par ce principe, et tant que les lois de Lycurgue furent observées, que Lacédémone soutint son empire; c'était par une suite de cet attachement inviolable pour leur patrie que la république romaine éleva des citoyens qui la rendirent maîtresse du monde. Mais comment combinez-vous votre intérêt avec celui de votre patrie?
RÉPONSE. Je le combine sans peine, parce que toute belle action enchaîne et entraîne sa récompense à sa suite. Ce que je sacrifie de mon intérêt, je le regagne en réputation; et la patrie, en bonne mère, se trouve même d'ailleurs obligée de récompenser les services qu'on lui rend.
DEMANDE. En quoi peuvent consister ces services?
RÉPONSE. Ils sont innombrables. On peut être utile à sa patrie en élevant ses enfants avec les principes de bons citoyens et d'honnêtes gens, en perfectionnant l'agriculture sur ses terres, en administrant la justice équitablement et avec impartialité, en maniant les deniers publics avec désintéressement, en tâchant d'illustrer son siècle par sa vertu ou par ses lumières, en embrassant le métier des armes par un