<144> de famille me paraît impardonnable; si leurs enfants se perdent, ils en sont la cause.
On regarde avec indulgence les Circassiens, parce qu'ils sont barbares, de ce qu'ils élèvent leurs filles à tous les manéges de la coquetterie et de la volupté, pour les vendre ensuite plus chèrement au sérail de Constantinople; c'est un trafic d'esclaves. Mais que chez un peuple libre et policé la première noblesse semble se conformer à cet usage, qu'elle se respecte assez peu pour mépriser le blâme qu'attirera sur sa famille la conduite d'une fille sans mœurs et sans vertu, c'est ce que la postérité la plus reculée leur reprochera éternellement. Allons au fait. Le déréglement des femmes prend sa source plutôt dans la vie oisive qu'elles mènent que dans l'ardeur de leur tempérament; passer deux ou trois heures devant le miroir à méditer, à raffiner, à admirer leurs charmes, passer toute l'après-dînée en médisances, ensuite au spectacle, le soir au jeu, puis le souper et encore le jeu, est-ce avoir le temps de faire un retour sur soi-même, et l'ennui, dans cette vie molle et oiseuse, ne les incite-t-il pas d'avoir recours à des plaisirs d'un autre genre, ne fût-ce que pour la variété, ou pour éprouver un sentiment nouveau?
Occuper les hommes, c'est les empêcher d'être vicieux. La vie de la campagne, simple, rustique et laborieuse, est plus innocente que celle qu'un tas de fainéants mènent dans les grandes villes. C'est une ancienne maxime des généraux que, pour empêcher la licence, le désordre, les émeutes dans les camps, il faut donner de l'occupation au soldat. Les hommes se ressemblent tous. Si l'on n'est pas assez stupide pour voir du même œil la conduite dévergondée de ses proches ou leurs mœurs pudiques et sages, qu'on leur apprenne à s'occuper eux-mêmes. Une fille peut s'amuser à des ouvrages de femme, à la musique, à la danse même; mais surtout qu'on s'applique à lui former l'esprit, à lui donner du goût pour les bons ouvrages, qu'on exerce son jugement, qu'on nourrisse sa raison par la lecture de