<204> matière, la force électrique, dont les effets étonnent l'imagination; et sans doute que dans peu le retour des comètes se pourra prédire comme les éclipses, mais nous devons déjà au savant Baylea d'avoir dissipé l'effroi que ce phénomène causait aux ignorants. Avouons-le : autant que la faiblesse de notre condition nous humilie, autant les travaux de ces grands hommes nous relèvent le courage, et nous font sentir la dignité de notre être.

Les fourbes et les imposteurs sont donc les seuls qui puissent s'opposer aux progrès des sciences, et qui puissent prendre à tâche de les décrier, puisqu'ils sont les seuls auxquels les sciences soient nuisibles.

Dans ce siècle philosophe où nous vivons, on n'a pas seulement voulu dénigrer les hautes sciences, il s'est trouvé des personnes d'assez mauvaise humeur, ou plutôt assez dépourvues de sentiment et de goût, pour se déclarer les ennemies des belles-lettres. A leur sens, un orateur est un homme qui s'occupe plus à bien dire qu'à penser juste, un poëte est un fou qui s'amuse à mesurer des syllabes, un historien est un compilateur de mensonges, ceux qui s'occupent à les lire perdent leur temps, et ceux qui les admirent sont des esprits frivoles. Ils proscriraient les fictions anciennes, ces fables ingénieuses et allégoriques qui renfermaient tant de vérités. Ils ne veulent pas concevoir que si Amphion, par les sons de sa lyre, bâtit les murs de Thèbes, c'est-à-dire que les arts adoucirent les mœurs des sauvages humains, et donnèrent lieu à l'origine des sociétés.

Il faut avoir l'âme bien dure pour vouloir priver l'espèce humaine des consolations et des secours qu'elle peut puiser dans les belles-lettres contre les amertumes dont la vie est remplie. Qu'on nous délivre de nos infortunes, ou qu'on nous permette de les adoucir. Ce ne sera pas moi qui répondrai à ces ennemis atrabilaires des belles-lettres : mais je me servirai des paroles de ce consul philosophe, le


a Voyez t. VII, p. 143-147.