<228>voir qu'ils ont sur l'esprit du prince, se serviront de cet ascendant pour commettre des injustices, protéger des gens perdus de mœurs, vendre des charges, et autres infamies pareilles. Si le prince, par fainéantise, abandonne le gouvernail de l'État en des mains mercenaires, je veux dire à ses ministres, alors l'un tire à droite, l'autre à gauche, personne ne travaille sur un plan général, chaque ministre renverse ce qu'il a trouvé établi, quelque bonne que soit la chose, pour devenir créateur de nouveautés et pour réaliser ses fantaisies, souvent au détriment du bien public; d'autres ministres qui remplacent ceux-là se hâtent de bouleverser à leur tour ces arrangements avec aussi peu de solidité que leurs prédécesseurs, satisfaits de passer pour inventeurs. Ainsi cette suite de changements et de variations ne donne pas à ces projets le temps de pousser racine. De là naissent la confusion, le désordre et tous les vices d'une mauvaise administration. Les prévaricateurs ont une excuse toute prête : ils couvrent leur turpitude de ces changements perpétuels; et comme ces sortes de ministres se contentent de ce que personne ne recherche leur conduite, ils se gardent bien d'en donner l'exemple en sévissant contre leurs subalternes. Les hommes s'attachent à ce qui leur appartient; l'État n'appartient pas à ces ministres; ils n'ont donc pas son bien véritablement à cœur, tout s'exécute avec nonchalance et avec une espèce d'indifférence stoïque, d'où résulte le dépérissement de la justice, des finances et du militaire. De monarchique qu'il était, ce gouvernement dégénère en une véritable aristocratie où les ministres et les généraux dirigent les affaires selon leur fantaisie; alors on ne connaît plus de système général, chacun suit ses idées particulières, et le point central, le point d'unité est perdu. Comme tous les ressorts d'une montre conspirent au même but, qui est celui de mesurer le temps, les ressorts du gouvernement devraient être montés de même pour que toutes les différentes parties de l'administration concourussent également au plus grand bien de l'État, objet important qu'on ne doit jamais perdre