<234> selon les moyens des individus; cela est si nécessaire, qu'une faute impardonnable en finance serait si les impôts, maladroitement répartis, dégoûtaient l'agriculteur de ses travaux; il doit, ayant acquitté ses droits, pouvoir encore vivre avec une certaine aisance, lui et sa famille. Bien loin d'opprimer les pères nourriciers de l'État, il faut les encourager à bien cultiver leurs terres; c'est en quoi consiste la véritable richesse du pays. La terre fournit les comestibles les plus nécessaires, et ceux qui la travaillent sont, comme nous l'avons déjà dit, les vrais pères nourriciers de la société.
On m'opposera peut-être que la Hollande subsiste sans que ses champs lui rapportent la centième partie de ce qu'elle consume. Je réponds à cette objection que c'est un petit État, chez lequel le commerce supplée à l'agriculture; mais plus un gouvernement est vaste, plus l'économie rurale a besoin d'être encouragée.
Une autre espèce d'impôts qu'on lève sur les villes, ce sont les accises. Elles veulent être maniées avec des mains adroites, pour ne point charger les comestibles les plus nécessaires à la vie, comme le pain, la petite bière, la viande, etc., ce qui retomberait sur les soldats, sur les ouvriers et sur les artisans; d'où il s'ensuivrait, pour le malheur du peuple, que la main-d'œuvre rehausserait de prix; par conséquent les marchandises deviendraient si chères, qu'on en perdrait le débit étranger. C'est ce qui arrive maintenant en Hollande et en Angleterre. Ces deux nations, ayant contracté des dettes immenses dans les dernières guerres, ont créé de nouveaux impôts pour en payer le dividende; mais comme leur maladresse en a chargé la main-d'œuvre, ils ont presque écrasé leurs manufactures. De là, la cherté en Hollande étant augmentée, ces républicains font fabriquer leurs draps à Verviers et à Liége, et l'Angleterre a perdu un débit considérable de ses laines en Allemagne. Pour obvier à ces abus, le souverain doit souvent se souvenir de l'état du pauvre peuple, se mettre à la place d'un paysan et d'un manufacturier, et se dire alors : Si j'étais né dans la