<27>Un corps de lois parfaites serait le chef-d'œuvre de l'esprit humain dans ce qui regarde la politique du gouvernement : on y remarquerait une unité de dessein et des règles si exactes et si proportionnées, qu'un État conduit par ces lois ressemblerait à une montre, dont tous les ressorts ont été faits pour un même but; on y trouverait une connaissance profonde du cœur humain et du génie de la nation; les châtiments seraient tempérés, de sorte qu'en maintenant les bonnes mœurs, ils ne seraient ni légers ni rigoureux; des ordonnances claires et précises ne donneraient jamais lieu au litige; elles consisteraient dans un choix exquis de tout ce que les lois civiles ont eu de meilleur, et dans une application ingénieuse et simple de ces lois aux usages de la nation; tout serait prévu, tout serait combiné, et rien ne serait sujet à des inconvénients : mais les choses parfaites ne sont pas du ressort de l'humanité.
Les peuples auraient lieu d'être satisfaits, si les législateurs se mettaient à leur égard dans les mêmes dispositions d'esprit où étaient ces pères de famille qui donnèrent les premières lois : ils aimaient leurs enfants; les maximes qu'ils leur prescrivaient n'avaient d'objet que le bonheur de leur famille.
Peu de lois sages rendent un peuple heureux; beaucoup de lois embarrassent la jurisprudence, par la raison qu'un bon médecin ne surcharge pas ses malades de remèdes. Le législateur habile ne surcharge pas le public de lois superflues; trop de médecines se nuisent, et empêchent réciproquement leurs effets; trop de lois deviennent un dédale où les jurisconsultes et la justice s'égarent.
Chez les Romains, les lois se multiplièrent lorsque les révolutions étaient fréquentes; tout ambitieux qui se voyait favorisé de la fortune se faisait législateur. Cette confusion dura, comme nous l'avons dit, jusqu'au temps d'Auguste, qui annula toutes ces ordonnances injustes, et remit les anciennes lois en vigueur.
En France, les lois devinrent plus nombreuses lorsque les Francs,