<276> condition d'hommes nous engage à faire du bien à tout le monde, à plus forte raison notre condition de citoyens nous oblige-t-elle à servir nos compatriotes de tout notre pouvoir : ils nous touchent de plus près que des peuples étrangers dont nous n'avons que peu ou point de connaissance. Nous vivons avec nos compatriotes; nos mœurs, nos usages, nos lois sont les mêmes; nous ne partageons pas seulement avec eux l'air que nous respirons, mais également l'infortune et la prospérité; et si la patrie a le droit d'exiger que nous nous immolions pour elle, à plus forte raison peut-elle prétendre que par nos services nous lui devenions utiles : l'homme de lettres, en instruisant le public; le philosophe, en lui enseignant la vérité; le financier, en administrant fidèlement ses revenus; le jurisconsulte, en sacrifiant la forme à l'équité; le soldat, en défendant sa patrie avec zèle et courage; le politique, en combinant sagement et en raisonnant juste; l'ecclésiastique, en prêchant la pure morale; l'agriculteur, l'artisan, les manufacturiers, les négociants, en perfectionnant chacun la partie à laquelle il s'est voué. Tout citoyen pensant ainsi travaille alors pour le bien public. Ces différentes branches réunies et conspirant au même but font naître la félicité des États, le bonheur, la durée et la gloire des empires.
Voilà, mon cher ami, ce que mon cœur a dicté à ma plume. Je n'ai point écrit sur cette matière en professeur, parce que je n'ai pas l'honneur d'être un docteur en us, et que je m'entretiens simplement et uniquement avec vous pour vous rendre compte de ce que j'entends par les devoirs qu'un honnête et fidèle citoyen doit remplir envers sa patrie. Cette légère esquisse est suffisante pour vous, qui pénétrez et saisissez promptement les choses. Je vous assure que je n'aurais jamais tant barbouillé de papier, si ce n'était dans l'intention de vous complaire et de vous obéir. Je suis avec le plus sincère attachement, etc.