<30> saisi le bien. Si l'on se contente de punir légèrement les petites fautes, on réserve les derniers supplices aux brigands, aux meurtriers, aux assassins, de sorte que la punition marche toujours de pair avec le crime.
Aucune loi ne révolte plus l'humanité que le droit de vie et de mort que les pères avaient sur leurs enfants à Sparte et à Rome. En Grèce, un père qui se trouvait trop pauvre pour fournir aux besoins d'une famille nombreuse faisait périr les enfants qui lui naissaient de trop; à Sparte et à Rome, qu'un enfant vînt au monde mal conformé, cela autorisait suffisamment le père à lui ôter la vie. Nous sentons toute la barbarie de ces lois, à cause que ce ne sont pas les nôtres; mais examinons un moment si nous n'en avons pas d'aussi injustes.
N'y a-t-il point quelque chose de bien dur dans la façon dont nous punissons les avortements? A Dieu ne plaise que j'excuse l'action affreuse de ces Médées qui, cruelles à elles-mêmes et à la voix du sang, étouffent la race future, si j'ose m'exprimer ainsi, sans lui laisser le temps de voir le jour! Mais que le lecteur se dépouille de tous les préjugés de la coutume, et qu'il daigne prêter quelque attention aux réflexions que je vais lui présenter.
Les lois n'attachent-elles pas un degré d'infamie aux couches clandestines? Une fille née avec un tempérament trop tendre, trompée par les promesses d'un débauché, ne se trouve-t-elle pas, par les suites de sa crédulité, dans le cas d'opter entre la perte de son honneur ou celle du fruit malheureux quelle a conçu? N'est-ce pas la faute des lois de la mettre dans une situation aussi violente? Et la sévérité des juges ne prive-t-elle pas l'État de deux sujets à la fois, de l'avorton qui a péri, et de la mère, qui pourrait réparer abondamment cette perte par une propagation légitime? On dit à cela qu'il y a des maisons d'enfants trouvés. Je sais qu'elles sauvent la vie à une infinité de bâtards; mais ne vaudrait-il pas mieux trancher le mal par ses racines, et conserver tant de pauvres créatures qui périssent misérablement,