<72>nette et toutes les gentillesses que nous possédons, et dont jusqu'ici le débit a été fort mauvais. Quelle conspiration, et que d'ennui se répandrait sur la surface de la terre, s'il leur était possible d'exécuter leur projet!
La poésie est une peinture vive et harmonieuse de tous les objets de la nature et des sentiments du cœur. Or, je soutiens qu'étant telle, on ne peut s'en dégoûter sans avoir perdu le tact de l'âme, à moins de l'avoir eu toute sa vie paralytique.
Ainsi la poésie ne saurait sortir de mode; elle peut être mieux produite dans un temps que dans un autre; cela dépend du génie ou du peu de talents de ceux qui la cultivent.
Les sonnets, virelais, ballades, bouts-rimés ont été négligés avec raison, parce que leur succès, s'ils réussissent, n'est point acheté par la peine qu ils coûtent. L'élégie est plus à la mode que jamais. On ne fait que changer son nom. Le quart des bonnes tragédies sont-elles autre chose? Une élégie d'appareil déplaît, parce que ce sont des sentiments feints, et que la plupart des auteurs l'allongent trop, ce qui la rend ennuyeuse. On a partagé le département des églogues; ce qui est description champêtre entre dans une infinité de pièces d'agrément, et l'amour, partout où on peut le mettre dans les premiers âges de l'univers. La principale richesse consistait dans les troupeaux. Les pasteurs qui avaient les bergeries les plus nombreuses étaient grands seigneurs, et leurs troubadours représentaient par leurs chants les charmes de la vie champêtre. Théocrite, qui touchait à ces temps, représentait ces mœurs dans ses idylles, et elles plaisaient, parce que la mémoire n'en était pas effacée chez les Grecs. Virgile imita Théocrite, et les Romains instruits dans la belle littérature des Grecs goûtaient leurs ouvrages, quoique les mœurs fussent déjà fort changées. Mais dans le siècle de luxe et de mollesse où nous vivons, nos mœurs sont devenues l'opposite de celte simplicité douce qui régnait dans ces premiers temps. Les bergers que nous voyons sont des gueux à