<80> s'agit d'Apollon qui poursuit Daphné, et nous le rabaissons encore d'un carat, s'il faut chanter l'histoire d'Argus. Quel effort de modestie! Nos despotes curvilignes avouent qu'ils ne savent ce que c'est que le beau désordre de l'ode : et j'ose conclure de là que le reste de leurs connaissances poétiques ne sont pas plus étendues. Pour leur expliquer cependant ce que c'est que ce désordre de l'ode, ils permettront qu'on leur apprenne qu'autrefois Apollon rendait des oracles par le ministère d'une prêtresse, ou pythonisse. Elle entrait en fureur, et proférait les paroles sacrées avec enthousiasme. On suppose donc que le poëte ressent une inspiration toute pareille; l'esprit alors transporté avec rapidité passe des idées intermédiaires qui servent à la liaison du discours commun et auxquelles un lecteur sensé supplée facilement, et l'enthousiasme le pousse aux objets les plus frappants, négligeant le reste comme des bagatelles qui ne mènent pas directement au fait. Ainsi ses paroles se précipitent pour ne dire que de grandes choses; ces coups de force ne peuvent pas se soutenir à la longue; les poëtes judicieux les lancent comme des traits de lumière, pour rabaisser ensuite de ton, par la raison que tout ce qui est de la grande vivacité doit être court, comme le sont les plaisirs les plus sensibles de l'humanité.
Oserions-nous demander ce que dirait de ce raisonnement un écolier de logique : « Il a paru de mauvaises odes, donc le siècle s'est dégoûté des odes. » Ne verrait-il pas que le siècle se dégoûte des mauvaises odes, mais non pas du genre? Enfin, nos législateurs se déclarant, ils publient leurs lois, nous leur en faisons des remercîments. Apparemment que Racine, Boileau et Voltaire faisaient des vers sans règles, et qu'il en fallait établir pour l'avenir; mais ils ne disent rien que l'on ignore, et peut-être permettront-ils qu'on leur fasse comprendre le sens de certaines choses qu'apparemment ils ne se sont pas donné le temps de débrouiller. On veut que le vers soit aussi naturel