<84>mètres. Après nous avoir donné selon leur style des lois rigoureuses, ils s'avisent ici de nous présenter pour modèles les aimables négligences de La Fontaine. La dialectique des algébristes est en vérité incompréhensible pour nous autres pauvres poëtes, qui nous contentons de raisonner selon les règles ordinaires de la logique. Mais rapportons leurs propres paroles :
« L'esprit exige que le poëte lui plaise toujours, et il veut cependant des repos; c'est ce qu'il trouve dans La Fontaine, dont la négligence même a ses charmes, et d'autant plus grands, que son sujet la demandait. » Ainsi les géomètres se reposent dans la négligence des poëtes, et il y a des sujets qui demandent des poëtes négligents. Voilà des jugements de philosophes. Il est clair que ces gens se moquent de nous, et qu'ils ne veulent dominer au Parnasse que pour y mettre tout en combustion et en désordre. S'ils s'ennuient de Virgile, c'est pour le décrier, et pour insinuer que sa réputation ne subsiste que par un préjugé d'école : s'ils louent le Tasse, la raison en est qu'après avoir abattu Virgile, il ne faut que deux coups de plume pour découvrir les absurdités du Tasse et pour le perdre à son tour; et quand il n'y aura plus de poëme, le public s'amusera avec des courbes de toutes les espèces. Les dames calculeront les précessions équinoxiales à leur toilette. Les propos de ruelles rouleront sur les angles d'incidence et de réflexion, sur les sections coniques, et sur toute l'algèbre de l'univers. J'ose cependant avertir nos législateurs curvilignes que cet heureux temps n'arrivera pas, ou que, s'il arrive, il ne durera guère. Citoyens de l'Empyrée, ils ne connaissent pas les hommes; ce serait leur rendre un triste service que de les détromper de la poésie et de leurs plaisirs, ne fussent-ils qu'erreur et qu'illusions, et de les priver d'un art charmant qui adoucit leurs mœurs, console, élève l'esprit, et les amuse.
Au reste, nous ne prétendons pas que tout le monde ait le même