<85> goût; nous ne forçons pas ceux qui aiment la poésie à lire préférablement un auteur à un autre; mais nous pensons qu'il est injuste qu'on fasse de ses goûts des lois générales pour le public.
O mes frères en Apollon! c'est à présent à vous que je m'adresse, après vous avoir découvert les tours rusés et fallacieux dont nos ennemis se servent pour nous perdre. Vous voyez que ces géomètres portent la guerre dans nos États, qu'ils veulent nous enlever la province de la mythologie. Préparons-nous à temps à nous défendre, et comme les Romains réussirent par la diversion de Scipion à transporter la guerre d'Annibal sur les terres de Carthage, faites-en de même, portez la guerre sur le terrain de l'ennemi. On nous accuse que nous nous parons des plumes de la mythologie. Prouvez-leur que leur Newton est un plagiaire qui a pris son calcul du mouvement des planètes de Huyghens, son attraction des vertus plastiques ou vertus occultes des platoniciens, qui a pris le vide d'Épicure, et a donné de l'existence au rien, et, ce qui pis est, qui a calculé le rien. Voici comment. Toutes les planètes nagent dans le vide; or, la distance qu'il y a d'une planète à l'autre est calculée; par exemple, on compte trois millions de lieues d'ici à Jupiter. Voilà donc trois millions de riens calculés; or, ce qu'on calcule existe; donc le rien ne peut pas exister. C'est en les attaquant que vous les réduirez à vous offrir la paix, et les conditions seront que désormais personne ne parlera que de ce qu'il entend bien, et qu'on se gardera de donner des règles sur les arts sans en avoir étudié la matière; que les architectes ne commenceront point par bâtir les toits des maisons, mais par en jeter les fondements; et qu'on étudiera l'histoire selon la chronologie, et non à rebours. Pour moi, je vous déclare que, tout vieillard que je suis, j'aime aussi passionnément la poésie que dans ma jeunesse, et je prie Apollon qu'il me fasse, par sa grâce efficace, persévérer dans la foi orthodoxe et vraiment poétique qu'Homère nous a enseignée, que