<I>

AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.

Ce volume contient les seize traités philosophiques composés par Frédéric depuis son avénement.

I. MIROIR DES PRINCES, ou INSTRUCTION DU ROI POUR LE JEUNE DUC CHARLES-EUGÈNE DE WÜRTEMBERG.

Le duc Charles-Alexandre de Würtemberg mourut le 12 mars 1737. Le duc Charles-Eugène, son fils et successeur, né le 11 février 1728, ne commença à régner que le 3 février 1744. Il avait achevé son éducation à Berlin, sous les yeux de sa mère, Marie-Auguste, née princesse de Thurn et Taxis, et la médiation du roi de Prusse lui avait fait obtenir le décret impérial de sa majorité, daté du 7 janvier 1744. Le 5 février, Frédéric lui en fit la remise solennelle au château de Berlin, en présence de tous les princes. Ce fut le lendemain de ce jour que le jeune duc reçut du Roi le Miroir des princes, que nous donnons ici. Le<II> 8 février, il se rendit de Berlin à Potsdam, dîna chez le Roi, et partit immédiatement après pour le Würtemberg. Voyez t. III, p. 28.

Le duc Charles épousa, le 26 septembre 1748, la princesse Élisabeth-Frédérique-Sophie de Baireuth, nièce de Frédéric le Grand. Pendant la guerre de sept ans, il combattit contre la Prusse, en qualité d'allié de l'Autriche et de la France. Il mourut le 23 octobre 1793. Voyez t. IV, p. 161; t. V, p. 10 et 261; t. VI, p. 251.

Nous avons suivi, pour le Miroir des princes, l'édition originale qui se trouve dans le Göttingisches Historisches Magazin von C. Meiners und L. T. Spittler. Hanovre, 1787, t. I, p. 683-689, sous le titre de : König Friedrichs des Grossen Regierungs-Instruction für den gegenwärtig regierenden Herrn Herzog Karl von Würtemberg. Mon. Febr. 1744.

II. DISSERTATION SUR LES RAISONS D'ÉTABLIR OU D'ABROGER LES LOIS.

Cette dissertation fut lue par Darget, le 22 janvier 1750, dans une assemblée de l'Académie des sciences, en présence du jeune prince Frédéric-Guillaume de Prusse et d'un grand nombre de personnes de distinction. Après avoir été soigneusement revue par l'Auteur (Correspondance de Frédéric avec Algarotti, 1799, p. 141, 142 et 144), elle fut imprimée dans l'Histoire de l'Académie, Année 1749. A Berlin, 1751, p. 375-400. Cependant elle avait déjà paru parmi les Pièces académiques contenues dans les Œuvres du Philosophe de Sans-Souci. Au donjon du château. Avec privilége d'Apollon. 1750, in-4, t. III, p. 263-312.

Il serait intéressant de savoir si le Roi avait lu l'Esprit des lois de Montesquieu lorsqu'il écrivit ce traité. On voit par une de ses lettres qu'au mois de mars 1739 il avait lu les Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, par le même auteur, ouvrage publié pour la première fois en 1734. Mais nous ne savons s'il connaissait l'Esprit des lois, qui avait paru en 1748, lorsqu'il composa la Dissertation sur les raisons d'établir ou d'abroger les lois. Quoi <III>qu'il en soit, il le connaissait certainement au mois d'avril 1753; car une lettre qu'il écrivit à Darget vers cette époque contient une allusion à l'Esprit des lois, liv. XXX, chap. 6.

Nous avons suivi la dernière édition de cette dissertation faite sous les yeux de l'Auteur, telle qu'elle se trouve dans les Mémoires pour servir à l'histoire de la maison de Brandebourg. D'après l'original. A Berlin, chez Chrétien-Frédéric Voss, 1767, in-4, t. III, p. 104-154. Ce texte offre quelques légères améliorations.

III. INSTRUCTION AU MAJOR BORCKE.

Adrien-Henri comte de Borcke, fils du feld-maréchal de ce nom, naquit à Stettin le 4 avril 1715. De 1751 à 1764 il fut gouverneur du prince Frédéric-Guillaume, qui régna plus tard sous le nom de Frédéric-Guillaume II. M. de Borcke obtint le grade de colonel le 22 avril 1759, et celui de général-major le 19 mai 1761. Au mois de décembre 1786, son ancien élève le fit lieutenant-général (avec brevet daté du 21 mai 1775), et chevalier de l'Aigle noir; enfin, il fut nommé général de la cavalerie le 25 mai 1787. Il mourut à sa terre de Stargord, près de Regenwalde en Poméranie, le 17 avril 1788.

L'Instruction dont il s'agit ici est un morceau fort intéressant. Elle porte la date du 24 septembre 1751. Ce sont des directions pour l'éducation du jeune prince. Nous la donnons dans son intégrité, d'après l'original conservé aux archives royales du Cabinet (Caisse 151, B). Ce manuscrit, de la main d'un secrétaire, est signé par le Roi. L'Instruction au major Borcke avait déjà été publiée presque en entier dans le Berliner Kalender fur 1845. Neunzehnter Jahrgang. Berlin, bei Reimarus, p. 14-18.

<IV>IV et V. DISCOURS SUR LES SATIRIQUES, ET DISCOURS SUR LES LIBELLES.

Le Discours sur les satiriques et le Discours sur les libelles sont nommés dans un catalogue des nouveaux ouvrages du Roi communiqué par l'Auteur au marquis d'Argens dans le post-scriptum de sa lettre du 12 mai 1759, que nous donnerons en son lieu. Ils ne font qu'un, pour ainsi dire, par leur date et par leur contenu; mais ils furent composés et publiés séparément, à l'occasion des écrits injurieux qui paraissaient de toutes parts contre l'Auteur, en partie à l'instigation du duc de Choiseul et de la cour de Vienne. Le Roi fait allusion à ces pamphlets dans son Épître au marquis d'Argens, en date du 19 novembre 1759 :

Moi, que l'adversité nourrit à son école,
Qu'à Vienne un frauduleux écrit
A dépeint errant et proscrit, etc.

Dans sa lettre à Voltaire, du 24 février 1760, il dit : « Je fais la guerre de toutes les façons à mes ennemis; plus ils me persécuteront, et plus je leur taillerai de la besogne. Et si je péris, ce sera sous un tas de leurs libelles, parmi des armes brisées sur un champ de bataille. » On peut consulter encore là-dessus le VIIe chapitre de l'Histoire de la guerre de sept ans (t. IV, p. 205), où le Roi, parlant du style injurieux et déshonorant des écrits émanés de la chancellerie autrichienne et de la diète de Ratisbonne, en 1757, ajoute que l'indécence et le scandale de ces écrits avait continué et s'était même accru à proportion des succès des armes autrichiennes.

Voltaire écrit à Frédéric, en date du 22 mars 1759 : « Le Discours sur les satiriques est très-beau et très-juste; mais permettez-moi de dire à Votre Majesté que ce ne sont pas toujours des gredins obscurs qui combattent avec la plume; vous n'ignorez pas que c'est un des chefs du bureau des affaires étrangères qui a fait les Lettres d'un Hollandais. Votre Majesté connaît les auteurs des invectives imprimées en Allemagne; elle a vu ce qu'avait écrit mylord Tyrconnel. »

<V>Le marquis d'Argens parle du Discours sur les libelles dans sa lettre au Roi datée du 5 mai 1759.

Les manuscrits et les éditions originales de ces écrits nous ayant également manqué, nous avons eu recours à l'impression la plus ancienne qui nous soit connue. Elle se trouve dans les Œuvres du Philosophe de Sans-Souci. Dernière édition, enrichie de variantes. A Francfort et à Leipzig, chez Henri-Louis Brönner, 1762, in-8, t. II, p. 339-353; p. 353-365. Nous avons collationné ce texte avec celui des Œuvres de Frédéric II, publiées du vivant de l'Auteur. A Berlin, 1789, t. II, p. 211-226, et p. 227-238; nous les avons trouvés conformes, sauf quelques petites corrections grammaticales que présente ce dernier.

VI. RÉFLEXIONS SUR LES RÉFLEXIONS DES GÉOMÈTRES SUR LA POÉSIE.

Dans une lettre datée du 2 septembre 1760, d'Alembert écrit à Voltaire : « J'ai lu, le jour de Saint-Louis (25 août), à l'Académie française, un morceau contre les mauvais poëtes et en votre honneur. » C'était la première partie de ses Réflexions sur la poésie, écrites à l'occasion des pièces que l'Académie a reçues cette année pour le concours.

Le Roi ne goûta pas ces Réflexions, et il composa pour les réfuter les Réflexions sur les Réflexions des géomètres sur la poésie, que personne avant nous n'avait publiées. Elles furent rédigées au mois d'avril 1762, comme on le voit par la lettre, inédite jusqu'ici, que le Roi écrivit au marquis d'Argens le 18 du même mois. Le manuscrit original, qui se compose de neuf pages in-4, est écrit de la main du Roi; il se trouve aux archives royales du Cabinet (Caisse 397, D). La réponse de d'Alembert à cet écrit, datée du 27 mai 1762, sera publiée dans la Correspondance.

<VI>VII. INSTRUCTION POUR LA DIRECTION DE L'ACADÉMIE DES NOBLES A BERLIN.

L'Académie des nobles, à Berlin, fut instituée le 1er mars 1765. « Le Roi, comme il le dit dans ses Mémoires de 1763 jusqu'à 1775 (t. VI, p. III), en régla lui-même la forme, et donna une instruction qui contenait l'objet des études et de l'éducation que devaient recevoir ceux qu'on y placerait » Après avoir mis cette instruction par écrit, le Roi la communiqua à M. de Catt, son lecteur, par qui elle lui fut renvoyée le 8 février 1765, avec de grands éloges (Archives du Cabinet, caisse 397, D). Il l'envoya à d'Alembert le 24 mars.

A défaut du manuscrit du Roi et de l'édition originale, qui n'a été tirée qu'à un petit nombre d'exemplaires, nous avons emprunté notre texte aux Œuvres de Frédéric, publiées du vivant de l'Auteur, t. III, p. 453-466, en y ajoutant deux variantes puisées dans le texte que M. Thiébault a donné de cette Instruction dans son ouvrage : Frédéric le Grand, ou Mes souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin, 4e édition, t. V, p. 144-159.

VIII. ESSAI SUR L'AMOUR-PROPRE ENVISAGÉ COMME PRINCIPE DE MORALE.

L'Essai sur l'amour-propre fut lu par le professeur Thiébault à l'Académie des sciences, le 11 janvier 1770 (Thiébault, Mes souvenirs, t. I, p. 94; Berlinische privilegirte Zeitung, 16 janvier 1770, no 7). Le 4 janvier, le Roi l'avait envoyé à d'Alembert; le même jour Voltaire en reçut aussi une copie.

<VII>« Cet opuscule, comme le Roi le dit dans sa lettre à Voltaire, du 17 février 1770, roule sur des idées dont on trouve le germe dans l'Esprit d'Helvétius et dans les Essais de d'Alembert. L'un écrit avec une métaphysique trop subtile, et l'autre ne fait qu'indiquer ses idées. »

L'Essai de Frédéric parut d'abord dans l'Histoire de l'Académie royale des sciences et belles-lettres. Année 1763. A Berlin, 1770, p. 341-354. Nous en avons emprunté le texte à l'édition spéciale qu'en publia le Roi sous le titre de : Discours prononcé à l'assemblée ordinaire de l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Prusse, le jeudi 11 janvier 1770. Berlin, chez Chrétien-Frédéric Voss, 1770, trente-deux pages in-8. En tête du traité même, p. 3, se trouve le titre que nous lui donnons.

IX. DIALOGUE DE MORALE A L'USAGE DE LA JEUNE NOBLESSE.

Le Dialogue de morale a été écrit pour le corps des cadets de Berlin. Le Roi confia au lieutenant-général de Buddenbrock, chef de ce corps, le soin de faire imprimer en même temps le texte français et la traduction allemande dont Ramier est l'auteur.

Cet écrit parut le 29 mars 1770 (Ellis, Original letters. Second series. London, 1827, t. IV, p. 527), sous le titre de : Dialogue de morale à l'usage de la jeune noblesse. A Berlin, chez G.-J. Decker, imprimeur du Roi, 1770, trente-sept pages petit in-8. Le Roi l'envoya à d'Alembert et à Voltaire.

On conserve aux archives royales du Cabinet (Caisse 365, K) le manuscrit du Roi, auquel il a mis de sa main le titre de Catéchisme de morale à l'usage de la jeune noblesse, cinq pages et un quart in-4, sans date de rédaction.

Ce manuscrit diffère en plusieurs passages de l'édition originale, que nous <VIII>suivons ici parce qu'elle a été imprimée sous les yeux de l'Auteur. Les éditeurs des Œuvres de Frédéric II, publiées du vivant de l'Auteur, t. II, p. 365-386, se sont permis beaucoup de changements arbitraires.

X. LETTRE SUR L'ÉDUCATION.

La Lettre sur l'Éducation, du 18 décembre 1769, se rattache par sa date et par son contenu au Dialogue de morale; et tout comme le Roi avait remis le Dialogue au lieutenant-général de Buddenbrock, en sa qualité de chef du corps des cadets, de même il donna la Lettre sur l'éducation au ministre d'État de Münchhausen, le 17 avril 1770, avec l'ordre d'en prescrire l'usage dans les universités. Voyez Friedrich der Grosse als Schriftsteller, par J.-D.-E. Preuss, p. 204-206.

Nous reproduisons l'édition originale, qui a pour titre : Lettre sur l'éducation. Berlin, chez Chrétien-Frédéric Voss, 1770, trente-deux pages in-8. En tête du traité, p. 3, on lit ces mots : Lettre d'un Génevois à M. Burlamaqui, professeur à Genève. Les éditeurs berlinois ont suivi le même texte dans les Œuvres de Frédéric II, publiées du vivant de l'Auteur, t. II, p. 339-364, mais en faisant, de leur propre autorité, de nombreux changements au style.

L'éducation de la jeunesse est un sujet sur lequel Frédéric aime à revenir. Voyez son ordre de Cabinet du 5 septembre 1779, adressé au ministre d'État baron de Zedlitz, et imprimé dans les Anekdoten von König Friedrich II. von Preussen. Herausgegeben von Friedrich Nicolai. Berlin, 1791, cahier V, p. 33-40.

<IX>

XI. EXAMEN DE L'ESSAI SUR LES PRÉJUGÉS.

Cet ouvrage, imprimé par les soins de l'abbé Bastiani (Thiébault, Mes souvenirs, t. I, p. 119), est dirigé contre l'Essai sur les préjugés, ou De l'influence des opinions sur les mœurs et sur le bonheur des hommes, ouvrage contenant l'apologie de la philosophie, par M. D. M. A Londres (Lausanne), 1769, traité qui, attribué d'abord à Du Marsais, fut reconnu ensuite pour être l'ouvrage de la société du fameux baron d'Holbach. Le Roi envoya, le 17 mai, son Examen de cet Essai à d'Alembert, et le 24 à Voltaire.

Nous suivons l'édition originale, qui parut à Berlin, chez le libraire Voss, sous le titre de : Examen de l'Essai sur les préjugés. A Londres, chez Nourse, libraire, MDCCLXX, soixante-dix pages petit in-8. A la dernière page se trouve la date : A Londres, ce 2 avril 1770.

XII. EXAMEN CRITIQUE DU SYSTÈME DE LA NATURE.

Le Système de la nature, que le Roi critique dans cet opuscule, est également une production de la société du baron d'Holbach. Le Roi envoya ces remarques en manuscrit à Voltaire, ainsi qu'à d'Alembert, le 7 juillet 1770; mais il refusa absolument à plusieurs reprises (le 18 août et le 16 septembre) de les faire imprimer, quelles que fussent les instances de Voltaire. Comme nous n'avons pu nous procurer le manuscrit du Roi, nous avons suivi le texte des Œuvres posthumes, t. VI, p. 139-168.

Dans son Épître à la reine douairière de Suède, du mois de décembre 1771, <X>Frédéric a dirigé contre l'auteur du Système de la nature et contre celui de l'Essai sur les préjugés une apostrophe fulminante qui commence par ces vers :

Allez, vils artisans de fraude et de mensonge,
Répandre sur les rois tout le fiel qui vous ronge :
Vos efforts insensés sont désormais perdus, etc.

(Œuvres posthumes. t. VII. p. 37 et 38.)

XIII. DISCOURS DE L'UTILITÉ DES SCIENCES ET DES ARTS DANS UN ÉTAT.

Le Roi, voulant rendre un hommage délicat à sa sœur, la reine douairière Ulrique de Suède, qui assistait à la séance académique du 27 janvier 1772, y fit lire le Discours de l'utilité des sciences et des arts dans un État (Thiébault, Mes souvenirs, t. I, p. 100-107, et 109). Il le fit paraître immédiatement après, sous le titre de : Discours prononcé à l'assemblée extraordinaire et publique de l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Prusse, en présence de Sa Majesté la reine douairière de Suède, le lundi 27 janvier 1772. A Berlin, chez Chrétien-Frédéric Voss, 1772, vingt-quatre pages in-8.

Cet écrit s'élève avec force contre le Discours de Rousseau qui a remporté le prix à l'Académie de Dijon, en l'année 1750, sur cette question proposée par la même Académie : Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs. Vers la fin du morceau, l'Auteur reproduit quelques-unes des idées de ses Réflexions sur les Réflexions des géomètres sur la poésie. Voltaire et d'Alembert en reçurent des exemplaires.

<XI>

XIV. EXPOSÉ DU GOUVERNEMENT PRUSSIEN, DES PRINCIPES SUR LESQUELS IL ROULE, AVEC QUELQUES RÉFLEXIONS POLITIQUES.

Cet Exposé du gouvernement prussien est demeuré inconnu jusqu'à présent. Le manuscrit original est aux archives royales du Cabinet (Caisse 365, F). Il est écrit en entier de la main du Roi, six pages in-4, sans date; mais d'après le contenu même de l'ouvrage, on peut en placer la composition vers 1775 ou 1776.

Il sera bon, en lisant cet, Exposé du Roi, de se rappeler ses Mémoires de 1763 jusqu'à 1775, imprimés dans le sixième volume de notre édition, particulièrement les deux chapitres Des finances et Du militaire.

XV. ESSAI SUR LES FORMES DE GOUVERNEMENT ET SUR LES DEVOIRS DES SOUVERAINS.

Le Roi fit imprimer cet ouvrage au mois d'août 1777, dans sa maison, comme il le dit lui-même. Il porte le titre de : Essai sur les formes de gouvernement et sur les devoirs des souverains. A Berlin, chez G.-J. Decker, imprimeur du Roi, 1777. quarante-deux pages in-8. On ne le tira qu'à six ou huit exemplaires. Voltaire, d'Alembert et le ministre de Hertzberg reçurent chacun le leur, les deux premiers immédiatement, celui-ci en janvier 1781.

Les archives royales du Cabinet renferment (Caisse 397, D) l'exemplaire que le Roi avait gardé pour lui. Il y a fait plusieurs corrections et ajouté plusieurs passages écrits sur des feuillets détachés et collés au livre. Cet exemplaire, qui a tout le prix du manuscrit autographe d'une seconde édition, fut remis aux imprimeurs <XII>par les éditeurs des Œuvres posthumes, lorsqu'ils furent parvenus au sixième volume. Il en porte des traces visibles.

Nous avons laissé de côté les changements faits par les éditeurs de 1788, et nous en sommes revenu purement et simplement au texte de l'exemplaire du Roi, avec les corrections mentionnées ci-dessus.

XVI. LETTRES SUR L'AMOUR DE LA PATRIE, ou CORRESPONDANCE D'ANAPISTÉMON ET DE PHILOPATROS.

Ces Lettres parurent en même temps en allemand et en français. A Berlin, chez G.-J. Decker, imprimeur du Roi, 1779, quatre-vingt-douze pages in-8. Le Roi les avait composées dans le mois de septembre 1779; il les envoya à d'Alembert le 7 octobre.

On conserve aux archives royales du Cabinet (Caisse 150, A) le manuscrit original de cet ouvrage, qui a soixante-trois pages in-4. Il est de la main d'un secrétaire de la chancellerie; mais il a été revu par le Roi et corrigé par lui en plusieurs endroits. Le titre complet a été écrit par l'Auteur : Lettres sur l'amour de la patrie, ou Correspondance d'Anapistémon et de Philopatros; le faux titre, Lettres sur l'amour de la patrie, également de la main du Roi, se trouve sur un feuillet particulier. Ce manuscrit porte des traces d'imprimerie.

Nous suivons l'édition originale de 1779.

<XIII>Les Œuvres de Frédéric, publiées du vivant de l'Auteur, t. II, p. 239-270, donnent encore comme ouvrage du Roi un

DISCOURS SUR LA GUERRE,

pièce de l'authenticité de laquelle nous avions toujours douté. Une circonstance ajoutait à notre incertitude : c'est qu'il nous avait été impossible de découvrir dans la correspondance de Frédéric aucun témoignage qui s'y rapportât. Enfin, nous avons eu le bonheur de trouver dans la Gazette littéraire de Berlin. A Berlin, 1766, in-4, t. II, p. 34-36, un article sur cet ouvrage, par Joseph Du Fresne de Franchoille, conseiller aulique, membre de l'Académie royale des sciences et belles-lettres, et rédacteur de ce journal. M. de Francheville intercale dans sa critique l'Avertissement et trois passages de l'écrit anonyme, et déclare enfin positivement que c'est le prince Guillaume-Adolphe de Brunswic-Lünebourg qui est l'auteur du Discours sur la guerre, publié chez Samuel Pitra, libraire privilégié du Roi. A Berlin, 1765, trente-huit pages in-8, avec titre gravé. Il avait déjà donné dans la feuille XI de sa Gazette littéraire de Berlin (lundi 11 juin 1764) un article sur la première édition du Discours, ouvrage qui parut d'abord sous le titre d'Éloge de la guerre. A Königsberg dans la Nouvelle-Marche, 1764, vingt-huit pages in-4. Cette édition s'annonce elle-même au lecteur comme les prémices d'un jeune homme, qui demande modestement qu'on ait de l'indulgence pour son ouvrage.

M. de Francheville, qui connaissait à fond la littérature de son temps, avait été chargé par Voltaire, en 1751, de soigner la première édition du Siècle de Louis XIV, et par Frédéric le Grand de surveiller l'impression des Œuvres du Philosophe de Sans-Souci, ainsi que de l'Extrait tiré des Commentaires du chevalier Folard sur l'Histoire de Polybe. Voyez Œuvres de Voltaire, édition Beuchot, t. XX, p. 542, et t. LV, p. 699; Correspondance entre Frédéric II et le marquis d'Argens, A Königsberg, 1798, t. I, p. 48; et Friedrich der Grosse als Schriftsteller, par J.-D.-E Preuss, p. 252.

Il existe encore deux autorités très-respectables en faveur de notre conviction relativement au véritable auteur du Discours sur la guerre. Ce sont les Nouveaux Mémoires de l'Académie royale des sciences et belles-lettres. Année 1771; et l'abbé Denina, La Prusse littéraire sous Frédéric II. A Berlin, 1790, t. I, p. 300 (Article Guillaume-Adolphe, prince de Brunswic). Le premier de ces recueils ren<XIV>ferme, entre autres, un Éloge du prince Guillaume-Adolphe de Brunswic où l'on trouve ce passage, p. 38 : « Il aimait la guerre au point d'en être le panégyriste. Et quoiqu'il ait soutenu un paradoxe dans le petit écrit où il la présente comme un bien, comme une source d'avantages, il a su au moins lui donner une face spécieuse. » Voici ce que le second déclare : « Le premier essai de ses occupations littéraires fut une traduction de Salluste, qui mérita l'approbation du Roi son oncle. Il fit ensuite un Discours sur la guerre, pour faire sa cour au Roi, dans l'armée duquel il avait aussi pris service. »

Au reste, à l'époque même où l'auteur du Discours s'érigeait en panégyriste de la gloire militaire, le héros de la guerre de sept ans exprimait de tout autres idées dans les dernières lignes du récit qu'il a fait de cette mémorable lutte. Après en avoir exposé les misères et les désastreux effets, il ajoute : « Veuille le ciel que le destin inaltérable et florissant de cet État mette les souverains qui le gouverneront, à l'abri des fléaux et des calamités dont la Prusse a souffert dans ces temps de subversion et de troubles. » Il est bien clair que Frédéric, heureux d'avoir conclu la paix de Hubertsbourg, n'aurait pas choisi ce moment pour faire l'éloge de la guerre, dont il savait peindre les désastres avec tant d'énergie. Il est beaucoup plus naturel d'attribuer le Discours sur la guerre à un jeune prince désireux de manifester ainsi son esprit belliqueux à son entrée dans la carrière des armes. Le prince Guillaume-Adolphe, né le 18 mai 1745, devint colonel prussien le 25 juin 1763; le 29 juillet suivant, chef du régiment d'infanterie no 39, en garnison à Königsberg dans la Nouvelle-Marche, et vacant depuis la mort glorieuse du duc François de Brunswic (t. IV, p. 242). Le 1er octobre, il fut fait chevalier de l'Aigle noir; enfin, le 13 décembre 1764, il fut élu par acclamation membre honoraire de l'Académie des sciences de Berlin.

Telles sont les raisons qui nous ont engagé à retrancher le Discours sur la guerre du catalogue des œuvres authentiques de Frédéric, parmi lesquelles, depuis 1789 jusqu'ici, il a figuré dans toutes les éditions et dans toutes les traductions allemandes des Œuvres du Roi, sans que cette erreur eût été relevée par la critique. Ainsi, dans l'ouvrage de M. de Dohm intitulé, Denkwürdigkeiten meiner Zeit. Lemgo et Hannover, 1819, t. V, p. 117, on trouve une critique du Discours sur la guerre en tête d'un catalogue raisonné de quatre écrits militaires de Frédéric (Schriften zur Kriegswissenschaft gehörig).

<XV>Il sera sans doute agréable aux amis de la littérature de voir comment Frédéric a parlé de la guerre à diverses époques de sa vie. A la fleur de l'âge, il s'élevait avec force dans l'Antimachiavel (t. VIII, p. 182, et p. 334) contre toutes les guerres qui ne sont pas « conformes à la justice et à l'équité; » dans ses plus beaux jours de Sans-Souci, il chantait l'Art de la guerre; au déclin de sa vie, enfin, pendant sa lutte avec les encyclopédistes, nous lui voyons défendre avec enthousiasme les gens de guerre ses confrères, dans l'Examen de l'Essai sur les préjuges et dans le Dialogue des morts entre le prince Eugène, mylord Marlborough, et le prince de Lichtenstein.

Berlin, le 22 février 1848.

J.-D.-E. Preuss,
Historiographe de Brandebourg.