<101>la maison de Brandebourg retirera de sa royauté; on crut même que c'était ce jésuite qui avait inspiré à Frédéric III l'idée de cette nouvelle dignité. On s'abuse d'autant plus, que sa société ne pouvait prendre aucun intérêt à l'agrandissement d'un prince protestant; il est plus naturel de croire que l'élévation du prince d'Orange et les espérances d'Auguste de Saxe, avaient donné de la jalousie à Frédéric III, et excité en lui l'émulation de se placer sur un trône à leur exemple. On se trompe toujours, si l'on cherche hors des passions et du cœur humain les principes des actions des hommes.

Ce projet était si difficile dans son exécution, qu'il parut chimérique au conseil de l'Électeur : ses ministres Danckelman et Fuchs se récriaient sur la frivolité de l'objet, sur les obstacles insurmontables qu'ils prévoyaient à le faire réussir, sur le peu d'utilité qu'on devait s'en promettre, et sur la pesanteur du fardeau dont on se chargeait par une dignité onéreuse à soutenir, qui, dans le fond, ne rapporterait que de vains honneurs; mais toutes ces raisons ne purent rien sur l'esprit d'un prince amoureux de ses idées, jaloux de ses voisins, et avide de grandeur et de magnificence.

Danckelman data sa disgrâce de ce jour :a il fut envoyé à Spandow dans la suite du temps, pour avoir dit son sentiment avec hardiesse, et pour avoir montré la vérité avec trop peu d'adoucissement à une cour corrompue par la flatterie, et contredit un prince vain dans les projets de sa grandeur. Heureux sont les princes dont les oreilles moins délicates aiment la vérité, lors même qu'elle est prodiguée par des bouches indiscrètes! Mais c'est un effort de vertu dont peu d'hommes sont capables.

A la faveur de Danckelman succéda un jeune courtisan, qui n'avait de mérite qu'une connaissance parfaite des goûts de son maître; c'était le baron de Kolb, depuis comte de Wartenberg.


a Danckelman ne paraît pas s'être opposé à ce que le titre de roi fût conféré à Frédéric III; car deux mois après sa disgrâce, il fut accusé par de Fuchs, son ancien collègue, dans une lettre autographe, datée du 30 janvier (vieux style) 1698, et adressée à l'Électeur, d'avoir employé auprès de lui des sollicitations continuelles tendant à obtenir de la cour impériale que la Prusse fût élevée au rang de royaume, ce que de Fuchs regardait comme tout à fait impossible.