<106>jointe au corps germanique, ne pouvait rien sans le secours des Hollandais et des Anglais; mais, avec moins de ressources et de troupes que la France, elle avait à la tête de ses armées le prince Eugène de Savoie.
Le roi Guillaume, qui gouvernait l'Angleterre et la Hollande, était dans l'engourdissement de la surprise en apprenant la mort de Charles II, et il reconnut le duc d'Anjou roi d'Espagne, par une espèce de précipitation; mais dès que la réflexion l'eut ramené à son flegme naturel, il se déclara pour la maison d'Autriche, parce que la nation anglaise le voulait, et que son intérêt semblait le demander.
Le Nord était lui-même plongé dans la guerre que Charles XII portait en Danemark. La jeunesse de ce prince avait inspiré à ses voisins l'audace de l'attaquer; mais ils trouvèrent un héros qui joignait un courage impétueux à des vengeances implacables.
Frédéric III, qui était en paix, prit part à la grande alliance qui se formait contre Louis XIV, dont le roi Guillaume était l'âme, et l'archiduc d'Autriche, le prétexte. Il prit des subsides, afin de soulager la prodigalité de sa magnificence, et il crut que les secours qu'il fournissait aux alliés lui frayeraient le chemin à la royauté. Par un effet étonnant des contradictions auxquelles l'esprit humain est sujet, ce prince qui avait l'âme si fière et si vaine, s'abaissait à se mettre aux aumônes de princes qu'il ne regardait que comme ses égaux. Toutes les offres que lui fit la France, pour le détacher des alliés, furent inutiles; ses engagements étaient pris, et il se trouvait lié par des subsides, par son inclination et par ses espérances.
Ce fut dans ces conjonctures que se négocia à Vienne le traité de la Couronne, par lequel l'Empereur s'engagea de reconnaître Frédéric III roi de Prusse, moyennant qu'il lui fournît un secours de dix mille hommes, à ses dépens, pendant le cours de toute cette guerre; qu'il entretînt une compagnie de garnison à Philippsbourg; qu'il fût toujours de concert avec l'Empereur dans toutes les affaires de l'Empire; que sa royauté n'altérât en rien les obligations de ses États d'Allemagne; qu'il renonçât au subside que la maison d'Autriche lui devait, et qu'il promît de donner sa voix pour l'élection des enfants mâles de l'empereur Joseph, « à moins »