<110>l'Europe pour la maison d'Autriche surpassait tout ce qu'on en peut imaginer.
Tant que dura la guerre de succession, les troupes prussiennes soutinrent avec éclat la réputation qu'elles avaient acquise sous le Grand Électeur : elles prirent Kayserswerth près du Rhin, et dans cette action de Höchstädt, où Villars surprit et battit Styrum, le prince d'Anhalta fit une belle retraite avec les huit mille Prussiens qu'il commandait. Je lui ai ouï dire que, lorsqu'il s'aperçut de la confusion et de la fuite des Autrichiens, il forma un quarré de ses troupes, et traversa une grande plaine en bon ordre jusqu'à un bois qu'il gagna vers la nuit, sans que la cavalerie française osât l'entamer.
Le succès des troupes prussiennes sur le Rhin et leur bonne conduite en Souabe, ne rassurèrent pas Frédéric Ier contre l'appréhension que lui donnait le voisinage des Suédois; rien ne leur résistait alors : le génie de Pierre Ier, la magnificence d'Auguste, étaient impuissants contre la fortune de Charles XII; ce héros était à la fois plus valeureux que le Czar, et plus vigilant que le roi de Pologne. Pierre préférait la ruse à l'audace; Auguste, les plaisirs aux travaux; et Charles, l'amour de la gloire à la possession du monde entier. Les Saxons étaient souvent surpris ou battus : les Moscovites avaient appris à leurs dépens l'art de se retirer à propos; ils ne faisaient qu'une guerre d'incursions. Les armées suédoises étaient seules jusqu'alors assaillantes et victorieuses : mais Charles XII, dont l'inflexible opiniâtreté ne mollissait jamais, ne savait exécuter ses projets que par la force; il voulait assujettir les événements comme il domptait ses ennemis. Le Czar et le roi de Pologne suppléaient à cet enthousiasme de valeur par les intrigues du cabinet : ils réveillaient la jalousie de l'Europe, et suscitaient l'envie contre le bonheur d'un jeune prince ambitieux, implacable dans ses haines, et qui ne savait se venger des rois ses ennemis qu'en les détrônant.
Ces intrigues n'empêchèrent pas Frédéric Ier, qui n'avait point de troupes à sa disposition, de conclure une alliance défensive avec Charles XII, qui avait une armée victorieuse dans le voisi-
a Léopold, prince régnant d'Anhalt-Dessau, alors lieutenant-général.