<115>La cour de Frédéric Ier était alors pleine d'intrigues : l'esprit de ce prince était flottant entre les cabales de ses favoris, comme une mer agitée par des vents différents. Ceux qui l'approchaient de plus près n'avaient que peu de génie; leurs artifices étaient grossiers, et leur manége, peu adroit; tous se haïssaient, et brûlaient en secret du désir de se supplanter : s'ils s'accordaient, ce n'était que sur une égale disposition de s'enrichir aux dépens de leur maître. Le Prince royal avait peine à cacher le mécontentement qu'il avait de leur conduite.

Les marques de sa mauvaise volonté leur suggérèrent le dessein d'affermir leur crédit par un nouvel appui : ils persuadèrent au Roi de passer à de troisièmes noces, quoiqu'il fût infirme, qu'il ne vécût que par l'art des médecins, et qu'il chicanât, par un reste de tempérament, un souffle de vie qu'il allait perdre. Le maréchal de Bibersteina se chargea de cette intrigue : il représenta au Roi que le Prince royal n'aurait point d'enfants de son épouse, fille de l'électeur George de Hanovre, quoiqu'alors même elle fût enceinte; que le bonheur de ses peuples demandait qu'il songeât sérieusement à affermir sa succession; qu'il était encore vigoureux, et qu'après ce mariage, il serait sûr de voir passer à ses descendants cette couronne qui lui avait coûté tant de peine à acquérir. Ce même discours répété par différentes personnes, persuada ce bon prince qu'il était l'homme le plus vigoureux de ses États; les médecins achevèrent de le déterminer au mariage, en l'assurant que son tempérament souffrait du célibat. On lui choisit une princesse de Mecklenbourg-Schwerin, nommée Sophie-Louise, dont l'âge, les inclinations, la façon de penser, ne s'accordaient point avec les siennes. Il n'eut d'agrément de cette union que la cérémonie des noces, qui fut célébrée avec un faste asiatique; le reste du mariage ne fut que malheureux.

La fortune se lassa enfin de protéger les caprices de Charles XII; il avait joui de neuf années de succès : les neuf dernières de sa vie ne furent qu'un enchaînement de revers. Il venait de rentrer victorieux en Pologne avec une armée nombreuse, chargée de trésors, et des dépouilles des Saxons. Leipzig fut la Capoue des Suédois : soit que les délices de la Saxe eussent amolli ces vainqueurs, soit


a Le sieur Marschall de Bieberstein.