<119>font faire dans un temps, et que la force, secondée de conjonctures favorables, rompt dans un autre.
Du côté du Sud, la France renoua les négociations de la paix à Gertruydenberg; et, dès les premières conférences, elle s'engagea à reconnaître la royauté de Prusse et la souveraineté de Neufchâtel. L'ouvrage de la paix avorta encore; et les Prussiens furent employés dans cette campagne, sous le prince d'Anhalt, aux siéges d'Aire et de Douai, qu'ils prirent. Le Roi déclara alors qu'il ne rendrait pas la ville de Gueldre, où il avait garnison, que les Espagnols ne lui payassent les subsides qu'ils lui devaient; et il conserva la possession de cette ville par la paix.
Dans ce temps mourut le duc de Courlande, neveu du Roi. Les Moscovites s'emparèrent de nouveau de la Courlande : ils prirent Elbing; mais comme le Roi avait des droits sur cette ville, un bataillon prussien y fut mis en garnison.
Le passage et le voisinage de tant d'armées avait porté la contagion en Prusse; la disette, qui commençait à s'y faire sentir vivement, augmenta la violence et le venin de la peste. Le Roi, auquel on cachait une partie du mal, abandonna ces peuples à leur infortune; et, tandis que ses revenus et ses subsides ne suffisaient pas même à la magnificence de sa dépense, il vit périr malheureusement plus de deux cent mille âmes qu'il aurait pu sauver par quelques libéralités.
Le Prince royal, révolté de la dureté que son père marquait aux Prussiens, parla fortement aux comtes de Wartenberg et de Wittgenstein,26 afin de procurer des secours et des vivres à ces peuples, qui périssaient autant par la misère que par la contagion. Il trouva ces ministres inflexibles; ils lui refusèrent sèchement d'acheter pour dix mille écus de blé, dont on aurait au moins pu soulager les habitants de Königsberg. Vivement piqué de ce refus, ce prince résolut de perdre ces ministres iniques; il fit jouer toutes sortes de ressorts pour les éloigner. La fortune a ses revers; la cour a ses orages : le parti des Kameke,a envieux de la faveur de
26 Directeurs des finances.
a C'est en 1710 qu'Ernest-Bogislas de Kameke, ministre d'Etat, amena la chute du comte de Wartenberg, en affermant à terme les bailliages et domaines royaux, qui auparavant étaient héréditaires; il fut secondé par le colonel Paul-Antoine de Kameke.