<132>ses plus riches provinces, Charles XII, dis-je, passa subitement, et sans admettre de nuances, de cette inactivité aux plus rudes travaux. Il partit de Démotica,a faisant une diligence prodigieuse; et, traversant à cheval les États héréditaires de l'Empereur, la Franconie et le Mecklenbourg, il arriva le onzième jour à Stralsund, lorsqu'on l'y attendait le moins.
Sa première démarche fut de protester contre le séquestre de Stettin, et de déclarer que n'ayant signé aucune convention, il n'était point obligé de reconnaître celle que ses généraux avaient faite en son absence. Avec un caractère comme celui de ce prince, il n'y avait d'autres arguments que ceux de la force : Frédéric-Guillaume fit avertir Charles XII qu'il ne souffrirait point que les Suédois entrassent en Saxe, et il fit en même temps avancer un corps considérable de troupes auprès de Stettin. Le peu d'attention que les Suédois semblaient faire à ces remontrances, obligea le Roi d'entrer dans l'alliance des Russes, des Saxons et des Hanovriens, afin de maintenir ses engagements contre l'opiniâtreté de Charles XII. Ce monarque s'empara d'Anclam, de Wolgast et de Greifswald, où il y avait garnison prussienne; cependant, par un reste de ménagement, il renvoya ces troupes sans leur faire de violence. Mais la modération de ce caractère violent n'était que passagère : au commencement de la campagne suivante, les Suédois délogèrent les Prussiens de l'île d'Usedom, et firent prisonniers de guerre un détachement de cinq cents hommes. Ils rompirent par cette hostilité la neutralité des Prussiens, et devinrent les agresseurs. Le Roi, jaloux de sa gloire, fut irrité du procédé des Suédois. Quoiqu'il eût peine à digérer, dans ce premier moment, l'affront qu'on lui faisait, il ne put s'empêcher de s'écrier : « Ah! faut-il qu'un roi que j'estime me contraigne à devenir son ennemi! » Flemming se trouvait alors à Berlin; c'était le même qui, par ses intrigues, avait rendu son maître roi de Pologne, et qui fut cause qu'on le détrôna, par l'imprudente conduite qu'il tint comme général.
a Charles atteignit, le 3 novembre 1714, la ville valaque de Pitescht. C'est de là que, le 6, il entreprit son audacieux voyage de deux cent quatre-vingt-six milles : dans la nuit du 21 au 22 novembre, il arriva aux portes de Stralsund, après seize jours de course.