<136>prendre. Il marchait à pied, l'épée à la main, à la tête de son infanterie, qu'il conduisit jusqu'au bord du fossé. Il arracha de ses propres mains les chevaux de frise qui le bordaient; il fut blessé légèrement dans cette attaque, et le général Düring, tué à ses côtés.
L'inégalité du nombre, l'obscurité de la nuit, l'effort de ces six escadrons prussiens qui tombèrent sur le flanc des Suédois, les obstacles d'un retranchement garni de chevaux de frise, et surtout la blessure du Roi, toutes ces raisons, dis-je, firent perdre aux Suédois les fruits de leur valeur. La fortune avait tourné le dos à cette nation; tout s'acheminait à son déclin.
Le Roi, blessé, se retira pour se faire panser; ses troupes, rebutées, s'enfuirent; le lendemain douze cents Suédois furent laits prisonniers à la Fahrschanze; et l'île de Rügen fut entièrement occupée par les alliés. On donna beaucoup de regrets à la mémoire du brave colonel Wartensleben,a qui fut tué à la tête des gendarmes prussiens, après avoir contribué en grande partie à la défaite des Suédois.
Après cette infortune, Charles XII abandonna l'île de Rügen, et repassa à Stralsund. Cette ville était presque réduite aux abois : les assiégeants, parvenus à la contrescarpe, commençaient déjà à construire leur galerie sur le fossé principal. Le caractère du roi de Suède était de se roidir contre les revers; il voulait s'opiniâtrer contre la fortune, et défendre en personne la brèche, à laquelle les assiégeants allaient donner un assaut général. Ses généraux se jetèrent à ses pieds, pour le conjurer de ne pas s'exposer aussi inutilement; et voyant qu'ils ne pouvaient pas le fléchir par les prières, ils lui firent voir le danger qu'il courrait de tomber entre les mains de ses ennemis. Cette appréhension le détermina enfin à abandonner cette ville : il s'embarqua sur une légère nacelle, avec laquelle il passa, à la faveur de la nuit, au milieu de la flotte danoise qui bloquait le port de Stralsund, et il gagna avec peine le bord d'un de ses vaisseaux, qui le trans-
a Le comte Henri-Frédéric-Christian de Wartensleben, fils aîné du feld-maréchal, naquit le 15 juillet 1694, et fut tué devant Stralsund le 18 décembre 1715, major au régiment d'infanterie de Finckenstein. Il n'a jamais été colonel des gendarmes. La Fährschanze fut occupée le 17 novembre.