<148>comme en mécanique, les machines simples ont un avantage extrême sur celles qui sont trop composées : plus les ressorts qui concourent à un même mouvement sont compliqués, et moins ils sont d'usage.

L'enthousiasme d'Alberoni ne se communiqua point aux princes qui devaient être les exécuteurs de son projet; il était vivement frappé de ses idées, les autres l'étaient faiblement. Lors même que le bon sens se laisse entraîner dans la carrière hasardeuse de l'imagination, il n'y fait pas un long chemin : la réflexion l'arrête, la prévoyance l'intimide, et souvent les obstacles le découragent. C'est ce qu'Alberoni éprouva des princes qu'il voulait engager dans ses vues. Il tomba lui-même dans le piége qu'il avait tendu à la tranquillité de l'Europe, et il repassa en Italie à la faveur des passe-ports qu'il reçut des puissances qu'il avait le plus grièvement offensées. On prévint un embrasement qui pouvait devenir funeste à l'Europe, en éteignant le flambeau qui était prêt à le causer. La chute d'Alberoni remit l'Espagne dans son vrai point d'équilibre. Elle rechercha l'amitié de la France, et accéda même à la quadruple alliance, pour que sa réconciliation en fût plus sincère.

Le Régent qui parvint à terminer si glorieusement les démêlés qui s'étaient élevés entre la France et l'Espagne, n'eut pas le bonheur de préserver ce royaume d'un bouleversement plus grand et plus général que ceux dont les guerres longues et ruineuses sont d'ordinaire suivies. Le système de Law avait poussé l'entêtement des Français pour le papier jusqu'à la folie; quelques fortunes subites firent extravaguer la nation, et ce fut en outrant les choses qu'elle les perdit.

Dès l'an 1716, Law était devenu directeur de la banque royale. Il commença dès lors à déployer son fameux système, en établissant la compagnie d'Occident ou du Mississippi, et la banque dont le roi de France était tout à la fois le protecteur et le propriétaire. Les desseins du Régent et de Law étaient de doubler les fonds du royaume, en balançant le crédit du papier par le réel de l'argent, pour attirer peu à peu les espèces dans les coffres du souverain.

L'arrêt du 2 août 1719a porte défense aux particuliers, sous les plus fortes peines, de garder chez eux en argent au delà de


a Cet arrêt ne date pas du 2 août 1719, mais bien du 27 février 1720.