<149>cinq cents livres. Aux premières actions en succédèrent de nouvelles, qu'on nomma les filles; enfin ces filles enfantèrent des petites-filles; et le papier créé par ce système monta à trois milliards septante millions. Toutes les dettes de l'État furent acquittées par des billets timbrés à un certain coin. Les fondements de cet édifice n'avaient été faits au commencement que pour une certaine proportion : on voulut la porter au double et au quadruple; il s'écroula bientôt, bouleversa le royaume, et renversa en même temps l'architecte qui l'avait construit. Law pensa plus d'une fois être lapidé par le peuple, lorsque son papier tomba en décadence. Il quitta enfin le royaume, abandonnant la charge de contrôleur général des finances, dont il avait été revêtu au commencement de l'année, et les grands établissements qu'il avait dans ce royaume. Law n'était pas riche lorsqu'il vint en France : il en repartit de même, et se réfugia à Venise, où il finit ses jours dans l'indigence.

Il y a peu d'histoires qui, dans un aussi court espace, représentent autant d'ambitieux humiliés : les fortunes rapides de Görtz, d'Alberoni, de Law, se précipitèrent aussi subitement qu'elles s'étaient élevées; mais l'ambition n'est pas capable de conseil, elle s'égare en suivant un chemin bordé de précipices.

Après les chutes d'Alberoni et de Görtz, le sud et le nord de l'Europe respirèrent également. La paix que le Roi négociait à Stockholm, fut enfin conclue. Sa modération diminua ses avantages. D'Ilgen ne cessait de lui représenter, selon l'usage des ministres, qu'il devait profiter de ses avantages, et qu'en se roidissant encore, la Suède serait contrainte de lui céder l'île de Rügen et la ville de Wolgast; et qu'il obtiendrait de même des Danois les franchises des péages du Sund. La réponse du Roi se trouve dans les archives, écrite de sa propre main : « Je suis content du destin dont je jouis par la grâce du ciel, et je ne veux jamais m'agrandir aux dépens de mes voisins. » Il paya deux millions à la Suède pour l'enclavure de la Poméranie, de sorte que cette acquisition était plutôt un achat qu'une conquête.

Le roi d'Angleterre qui avait par sa médiation accéléré la paix de Stockholm, fit peu de temps après la sienne avec l'Espagne;a


a Le Roi veut dire la paix d'Utrecht, qui fut conclue en 1713.