<154>d'un législateur. L'impératrice Catherine, sa femme, lui succéda. Elle était Livonienne de naissance, et de la plus basse extraction, étant veuve d'un bas officier suédois. Elle devint maîtresse tour à tour de quelques officiers russes; depuis, de Menschikoff; enfin le Czar en devint amoureux, et se l'appropria. En 1711, lorsque le Czar s'approcha du Pruth avec son armée, les Turcs passèrent cette rivière, et vinrent se retrancher vis-à-vis de son camp : il avait en front deux cent mille ennemis, et à dos une rivière qu'il ne pouvait passer, manquant de pont. Le grand vizir, qui l'attaqua par différentes reprises, voyant ses troupes souvent repoussées, changea de dessein. Il apprit par la déposition d'un transfuge que l'armée moscovite souffrait une disette cruelle, et que dans le camp du Czar il n'y avait de vivres que pour peu de jours. Sur cela, il se contenta de bloquer les Russes; c'était ce que Pierre Ier craignait le plus. Son armée était presque fondue; il lui restait à peine trente mille hommes, accablés de misère, énervés par la faim, sans espérance et par conséquent sans courage. Dans cette situation désespérée, le Czar prit une résolution digne de sa grandeur d'âme. Il ordonna au général Czerbatofa que l'armée se préparât à combattre le lendemain, afin de se frayer un chemin à travers les ennemis au bout de la bayonnette. Il fit ensuite brûler tous les bagages, et se retira dans sa tente, accablé de douleur. Catherine conserva seule la liberté d'esprit, dans ce désespoir commun où tout le monde attendait la mort ou la servitude. Elle témoigna un courage au-dessus de son sexe et de sa naissance; elle tint conseil avec les généraux, et résolut de demander la paix aux Turcs. Le chancelier Schafiroff dressa la lettre du Czar au vizir, que Catherine fit signer à Pierre Ier à force de caresses, de prières et de larmes; elle ramassa ensuite toutes les richesses qu'elle put trouver dans le camp, et les envoya au vizir.

Après quelques renvois, les présents opérèrent leur effet : la paix fut conclue, et le Czar, en cédant Asow aux Turcs, se tira d'un pas aussi dangereux que celui que Charles XII trouva à Poltawa, l'écueil de sa fortune. La reconnaissance du Czar fut proportionnée au service que Catherine lui avait rendu; il la trouva


a Feld-maréchal comte Scheremetjeff.