<198>naquirent tous ces cultes différents, qui n'étaient, à proprement parler, que des soumissions, modifiées en cent façons extravagantes, pour apaiser la colère céleste, dont on redoutait les effets. La raison humaine, altérée et abrutie par la terreur que toutes sortes de grandes calamités lui inspiraient, ne savait à qui se prendre pour se rassurer contre ses craintes; et, comme les malades ont recours à tous les remèdes, pour essayer s'ils n'en trouveront point un qui les guérisse, le genre humain supposa, dans son aveuglement, une essence divine et une vertu secourable dans tous les objets de la nature : depuis les plus sublimes jusqu'aux plus abjects, tout fut adoré; l'encens fuma pour des champignons; le crocodile eut des autels; les statues des grands hommes qui les premiers avaient gouverné des nations, eurent des temples et des sacrificateurs; et, dans les temps où des afflictions générales désolaient un pays, la superstition redoublait.
Les savants allemands ont raison de dire, en ce sens, que la superstition est la même chez toutes les nations; mais quoiqu'elle soit en général une suite de la crédulité, elle se manifeste cependant sous des nuances variées à l'infini, et proportionnées au génie des nations. J'aurais peine à me persuader que les fables ingénieuses des Grecs, Minerve, Vénus, et Apollon, eussent été connues, dans ce pays, du temps du paganisme; mais nos profonds étymologistes ne s'embarrassent pas des vraisemblances : ils croient ennoblir leur mythologie, en donnant à leurs dieux des origines grecques ou romaines, comme si le nom de ces peuples pouvait rendre l'idolâtrie plus respectable, et que l'extravagance des Grecs valût mieux que celle des Allemands.
Irmansäule n'était pas le seul dieu des Saxons; on trouva sous une de leurs idoles l'inscription suivante : « Je fus autrefois le duc des Saxons, j'en suis devenu le dieu. » Angelus soutient qu'ils adoraient le Soleil sous la forme d'une tête radieuse, et que cette idole donna son nom à la ville de Sonnenbourg, où elle était placée.a
a Angelus rapporte, conformément au récit de Christophe Entzelt, qu'on a fait dériver le nom de Soltwedel de celui du dieu Sol, adoré, dit-on, par les anciens habitants du lieu, qui étaient païens. Dans Angelus, il n'est pas question de Sonnenbourg; mais l'Enchaînure, après avoir parlé des Saxons, de leurs dieux, de leurs idoles, et en particulier de la colonne d'Irmen, dit, p. 8 : « Ils avaient, outre cela, le dieu Sol, Sonne, dont la ville de Sonnenbourg a pris son nom. » Le Roi a souligné le passage de sa propre main, en y ajoutant le mot Religion.