<210>religion à toutes les diètes de l'Empire; mais toutes ces tentatives furent inutiles : il s'ensuivit enfin une guerre cruelle et sanglante, qui s'apaisa et se ranima à différentes reprises. L'ambition des empereurs, qui voulaient opprimer la liberté des princes et la conscience des peuples, l'alluma souvent; mais la rivalité de la France et l'ambition de Gustave-Adolphe, roi de Suède, sauvèrent l'Allemagne et la religion du despotisme de la maison d'Autriche.
Les électeurs de Brandebourg se conduisirent dans ces troubles avec sagesse : ils furent modérés et tolérants. Frédéric-Guillaume, qui avait acquis, par la paix de Westphalie, des provinces qui lui donnaient des sujets catholiques, ne les persécuta point; il permit même à quelques familles juives de s'établir dans ses États, et leur accorda des synagogues.
Frédéric Ier fit quelquefois fermer les églises catholiques, par représailles des persécutions que l'Électeur palatin fit souffrir à ses sujets protestants; mais le libre exercice de religion fut toujours rendu aux catholiques. Les réformés essayèrent de persécuter les luthériens dans le Brandebourg; ils profitèrent des dispositions où le Roi était en leur faveur, pour établir des prêtres réformés dans des villages où il y en avait eu de luthériens; ce qui prouve bien que la religion ne détruit pas les passions dans les hommes, et que les gens d'Église, de quelque opinion qu'ils soient, sont toujours prêts à opprimer leurs adversaires, quand ils se croient les plus forts.
Il est honteux à l'esprit humain d'avouer qu'au commencement d'un siècle aussi éclairé que l'est le XVIIIe, toutes sortes de superstitions ridicules se soient encore conservées; les gens raisonnables, comme les esprits faibles, croyaient encore aux revenants. Je ne sais quelle tradition populaire portait qu'un spectre blanc se faisait voir à Berlin toutes les fois qu'un prince de la maison devait mourir : le feu roi fit saisir et punir un malheureux qui avait joué le revenant; les esprits, rebutés d'une aussi mauvaise réception, ne se montrèrent plus, et le public fut désabusé.
En 1708, une femme, qui avait le malheur d'être vieille, fut brûlée comme sorcière.a Ces suites barbares de l'ignorance affec-
a On ne peut établir sur aucun témoignage authentique qu'une sorcière ait été brûlée en 1708; de plus, Thomasius commença déjà en 1701 sa polémique contre les procès de sorcellerie, qui furent restreints, en Prusse, par la sage ordonnance du 13 décembre 1714.