<223>nois, des combats de barques, des feux d'artifice et des courses de bague. Les seigneurs qui composaient les quatre quadrilles, étaient vêtus en velours richement brodé en or et en argent; mais le caractère du siècle perçait à travers toute cette magnificence : à la tête de chaque quadrille était un bouffon, qui sonnait du cor d'une façon ridicule, en faisant cent extravagances; et la cour monta au donjon du château pour voir tirer le feu d'artifice.64 Au passage de Christian, roi de Danemark, par Berlin, l'Électeur lui fit une réception superbe : il alla au-devant du Roi, accompagné de nombre de princes, de comtes, de seigneurs, et d'une garde de trois cents chevaux. Le Roi fit son entrée dans un char de velours noir galonné en or, tiré par huit chevaux blancs dont les mors et les caparaçons étaient d'argent; on l'accabla de fêtes dans le goût des précédentes.

Peut-être qu'on poussa le luxe trop loin; car Joachim-Frédéric fit des lois somptuaires. Il employa ses revenus à des usages utiles : il fonda le collége de Joachim, depuis transféré à Berlin par l'électeur Frédéric-Guillaume, où cette école est de nos jours la plus florissante et la mieux réglée de tous les États de la Prusse.

Il manquait encore, sous la régence de Jean-George, beaucoup d'inventions qui contribuent à la commodité de la vie. L'usage commun des carrosses ne remonte pas plus haut qu'à Jean-Sigismond; il en est parlé à l'occasion de l'hommage de la Prusse que ce prince rendit à Varsovie : il eut à sa suite trente-six carrosses à six chevaux, outre un cortége de quatre-vingts chevaux de main. L'ambassade qui se rendit à la diète de l'Empire pour l'élection de l'empereur Matthias, eut trois carrosses avec elle; c'étaient de mauvais coches, composés de quatre ais grossièrement joints ensemble. Qui eût dit alors que cet art se perfectionnerait dans le XVIIIe siècle, au point qu'on ferait des carrosses pour vingt mille écus, et qu'ils trouveraient des acheteurs?


64 L'Électeur, disent les Annales, mit la tête hors d'une lucarne, et cria à l'artificier : « Maître Jean, boute quand je sifflerai. » [D'après les Annales d'Angelus, le feu d'artifice dont il est question ici, n'eut pas lieu à la naissance du prince électoral Joachim-Frédéric, mais bien le 14 décembre 1592, à l'occasion du baptême du margrave Sigismond, qui était le vingt et unième enfant de l'Électeur.]